Ce que le ministre Dupuis ne dit pas

Sentant la soupe chaude, le ministre Dupuis ne peut plus se permettre de continuer à jouer à l'autruche et d'ignorer les demandes de la famille Villanueva. Le ministre Dupuis a donc décidé de se faire voir et entendre. Et il a choisit de le faire six mois après, jour pour jour, la mort du jeune Fredy Villanueva, tombé sous les balles de la police, à Montréal-Nord, le 9 août 2008.

Ainsi, le ministre Dupuis s'est permis d'utiliser les ondes du réseau LCN comme tribune pour justifier sa position pour le moins questionnable relativement à l'enquête publique qui sera présidée par le coroner ad hoc Robert Sansfaçon sur la mort de Fredy Villanueva.

Lors de l'entrevue à LCN, le ministre Dupuis a dit que la décision de payer un avocat à la famille Villanueva était « une mesure exceptionnelle » fondée sur la « compassion. »

Ce que le ministre Dupuis ne dit pas, c'est que le rôle de cet avocat tiendra davantage de « l'assistance que de la représentation », comme l'affirmait un porte-parole de son propre ministère au quotidien The Gazette, il y a de cela deux semaines. (1)

Ce que le ministre Dupuis ne dit pas non plus, c'est que le ministère n'a accepté de payer cet avocat que pour seulement quatre journées d'audition d'une enquête publique qui, aux dires mêmes de monsieur le juge Sansfaçon, pourrait s'étirer sur une période de trois semaines.

Le ministre Dupuis a aussi prétendu à qui voulait bien l'entendre que l'épineuse question des avocats à l'enquête Villanueva était une « question secondaire. »

Ce que le ministre Dupuis ne dit toutefois pas, c'est que les policiers ne semblent manifestement pas de cet avis. En effet, comme on le sait, les intérêts des policiers seront représentés et défendus par six avocats lors de l'enquête Villanueva. Pour les policiers, la question des avocats n'a donc rien de très « secondaire », bien au contraire.

Le ministre Dupuis a aussi continué à défendre la décision controversée de son ministère de refuser d'assumer les frais de représentation légale de Denis Méas et de Jeffrey Sagor Métellus, qui ont tous deux été blessés par balles lors de l'intervention policière qui coûta la vie à Fredy Villanueva.

Le ministre Dupuis a joué la carte de la bonne gestion des fonds publics, en se présentant comme le « fiduciaire de vos impôts. »

Ce que le ministre Dupuis ne dit pas, c'est que ce sont aussi nos taxes qui payeront les honoraires des six avocats qui défendront les intérêts des policiers à l'enquête Villanueva.

Quand il s'agit de payer pour la représentation légale de personnes qui ont soufferts des balles de police, c'est trop cher. Mais quand il s'agit de payer pour les policiers, alors là les autorités ne semblent jamais à cours de fonds publics, semble-t-il !

Loin d'être « secondaire », la question des avocats va au contraire être déterminante sur l'équité procédurale de l'enquête Villanueva.

Monsieur le ministre ne peut d'ailleurs l'ignorer puisqu'il a lui-même pratiqué le droit à titre de substitut du procureur général avant de faire carrière en politique.

Il est clair que les avocats des policiers ne feront pas de cadeaux aux témoins civils qui seront entendus lors de l'enquête Villanueva. Ces avocats feront tout ce qui est en leur pouvoir pour attaquer la crédibilité des témoignages qui ne seront pas favorables aux intérêts de leurs clients.

Qui va donc se lever pour s'objecter lorsque les avocats des policiers feront preuve d'agressivité durant le contre-interrogatoire de MM. Méas et Sagor si ceux-ci ne bénéficient d'aucune représentation légale ?

Le ministre Dupuis n'a également dit mot sur la promesse de payer les frais de représentation légale de MM. Méas et Sagor qui a été faite par des représentants de l'État québécois lors d'une réunion avec les familles impliquées, le 2 décembre dernier.

Les porte-parole du ministère de la Sécurité publique continuent de s'entêter à nier l'existence d'un tel engagement en dépit du fait qu'un avocat a fait joué en conférence de presse, la semaine dernière, un message enregistré dans lequel on entend la voix d'un policier de la Sûreté du Québec (SQ) déclarer « que l'État paierait pour les services des avocats pour les familles impliquées dans l'enquête publique. » La SQ a préférée s'abstenir de faire tout commentaire à ce sujet. (2)

Nous sommes manifestement en présence de deux versions contradictoires. Qui dit vrai ? Le silence du ministre Dupuis à ce chapitre semble particulièrement éloquent.

Enfin, le ministre Dupuis a prétendu que le procureur François Daviault va représenter les « intérêts » de tous à l'enquête Villanueva.

Or, c'est la première fois que le rôle du procureur Daviault est décrit ainsi. En effet, depuis le début, Me Daviault est présenté comme un procureur qui assistera le coroner ad hoc Sansfaçon. Voilà qui ne revient pas du tout du pareil au même.

La CRAP n'est pas dupe de cette nouvelle trouvaille du ministre. Me Daviault n'a jamais été mandaté pour représenter les intérêts de MM. Méas et Sagor ou de tout autres témoins qui seront entendus lors de l'enquête publique. La CRAP voit bien que le ministre Dupuis est en train d'improviser au fur et à mesure.

Le ministre Dupuis parle de « compassion » envers la famille Villanueva.

La CRAP croit avoir trouvé d'autres qualificatifs qui correspondent mieux à son comportement dans ce dossier : malhonnête intellectuellement et désespérément radin.

Nous de la CRAP croyons que nous avons assez entendu le ministre Dupuis.

Nous avons maintenant hâte d'entendre le premier ministre Jean Charest.

(1) http://www.montrealgazette.com/news/story.html?id=1224732
(2) http://qc.news.yahoo.com/s/capress/090204/nationales/20090204_avocats_villanueva_1