Samedi 11 octobre 2008 avait lieu dans les rues de Montréal-Nord une manifestation familiale dans le but entre autre d’exiger une enquête publique sur la mort du jeune Fredy Villanueva, abattu lâchement par un policier le 9 août 2008.
Près de 600 personnes ainsi qu’une vingtaine d’organisations se sont présentées malgré une importante campagne de salissage et de peur, orchestrée les jours précédents par le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) et les médias. Contre toutes les prévisions, sauf celles des organisateurs et organisatrices, la manifestation s’est déroulée dans le calme durant toute la durée du trajet, qui se terminait à l’endroit où Villanueva a été assassiné.
Rappelons qu’en août, Fredy Villanueva, 18 ans, a été tué de trois balles par l’agent Jean-Loup Lapointe, alors qu’il protestait contre l’arrestation de son frère aîné. Deux autres jeunes ont également été blessés par balle. Cet événement a soulevé l’indignation de la population et des résidents du quartier sont sortis dans les rues pour manifester leur colère : ils en ont plus qu’assez du profilage racial, du harcèlement et des abus perpétrés quotidiennement par le SPVM à leur endroit. Les émeutes qui ont eu lieu ce soir-là ne sont que le symptôme d’une communauté réprimée, qui a perdu confiance depuis trop longtemps envers ceux qui prétendent « servir et protéger ».
Bien entendu, les médias ont fait leurs choux gras de la casse perpétrée durant ces émeutes, parlant de policiers blessés et de coûts astronomiques des dégâts, bien que les dépenses les plus importantes auront étés celles générées par les heures supplémentaires payées aux policiers… masquant ainsi la raison première de ces soulèvements de population : une grave bavure policière, soldée par la mort d’un jeune de 18 ans. Suivant cette belle couverture médiatique, il fut aisé par la suite d’éveiller la peur de la population, mal informée, à l’annonce de la manifestation familiale du 11 octobre. Selon les journalistes de toutes parts, l’on pouvait s’attendre au pire, d’autant plus que les membres du Collectif Opposé à la Brutalité Policière (COBP), qualifiés d’« agitateurs », faisaient partie du comité organisateur. Un communiqué du collectif a été publié en réaction à ces tentatives de salissage et la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) a organisé une conférence de presse pour rectifier les faits.
De leur côté, les agents du SPVM ont aussi fait des leurs pour tenter de décourager les organisateurs de la manif. À titre d’exemple, un membre du COBP a été menotté, fouillé et affublé d’une contravention de 160$ de façon totalement arbitraire pour avoir soi-disant craché par terre et un autre a reçu chez lui le même soir la visite de huit agents de police pour une présumée plainte de bruit. N’ayant pas de réels bruits desquels se plaindre, les agents en ont tout de même profité pour poser quelques questions sur la manif du 11 octobre avant de quitter.
Le jour de la manifestation, les « responsables de l’ordre » se sont montrés plus que présents malgré leurs promesses publiques d’être discrets. Des agents en provenance de différents secteurs de l’île étaient sur place pour former la longue barrière qui encadrait la marche du départ jusqu’à l’arrivée. Il y avait également des flics à vélo, des flics en voiture, des « undercover » pas toujours très subtils et des groupes de l’escouade anti-émeute, disposés à différents endroits sur le parcours. Au moins un agent sur place prenait les manifestants en photo. Fait cocasse : une journaliste de LCN affirmait dans son reportage qu’aucune présence policière n’était visible de son hélicoptère!
Enfin, les manifestants présents le 11 octobres se sont montrés très solidaires aux organisateurs, qui leur ont rappelé au départ de la marche que l’on désirait une manifestation pacifique. L’animation a tout de suite créé un bon contact avec la foule présente, ce qui a aidé grandement à l’encadrement de cette journée. Plusieurs artistes étaient également présents durant tout le trajet, pour animer l’événement de leur musique. Une chanson intitulée « Villeneuf » a même été créé par un collectif, composé de SP, Cobna, la Dame de Pique, Le Voyou, Dramatik, Cris de Metazon, Clermont, Vagalam & Dupuis, en l’honneur de Villanueva. La musique et la présence de la foule ont attiré la curiosité des autres personnes présentes dans le quartier à ce moment, qui démontraient leur appui aux manifestants en klaxonnant ou en envoyant la main. La présence d’enfants et de familles au sein du groupe atteste le caractère familial de cette journée, tel que les organisateurs l’avaient prévu.
Malheureusement, ce type d’histoire qui fini bien n’attire pas l’attention dans les médias, qui étaient pourtant plus que présents le 11 octobre : si l’annonce de grabuge faisait plusieurs premières pages de quotidiens les jours précédents la manifestation, l’article faisant état de son bon déroulement s’est vu relégué à la page 17 du Journal de Montréal!
Nous terminons le présent texte en remerciant toutes les personnes qui ont eus le courage de leurs opinions et qui se sont présentés pour la marche du 11 octobre. C’est en grande partie grâce à eux que cette journée s’est déroulée telle qu’elle le fut, avec succès et dans un climat pacifique. Seul ombre au portrait : les groupes communautaires ont brillés par leur absence, malgré le fait que la cause Villanueva touche directement leur mandat, soit de voir à l’amélioration de la qualité vie des résidents du quartier. Nous sommes navrés de devoir souligner que cette absence coïncide avec l’octroiement de plus de 2 millions de dollars au secteur communautaire du quartier, quelque jours avant la manifestation….