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Le terrorisme inoffensif de militaires armés jusqu’aux dents

02.11.2025

Ce texte a d’abord été publié sur Pivot, le 2 septembre 2025 : https://pivot.quebec/2025/09/02/le-terrorisme-inoffensif-de-militaires-armes-jusquaux-dents/

 

Le terrorisme inoffensif de militaires armés jusqu’aux dents

 
L’enquête de la GRC sur une prétendue « milice anti-gouvernementale » soulève des enjeux d’infiltration policière et de surveillance numérique.
 
Par Alexandre Popovic

« En aucun temps la sécurité des citoyens a été mise en danger. »

Ces mots, prononcés début juillet par le caporal de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) Éric Gasse, sont ce que je retiens le plus jusqu’à présent de cette histoire de « milice anti-gouvernementale », appelée Hide and Stalk, composée notamment de membres actifs des Forces armées canadiennes.

Des accusations de terrorisme ainsi que de possession d’armes à feu, d’explosifs et de munitions ont été déposées contre quatre jeunes hommes associés à « l’extrémisme violent à caractère idéologique » et la GRC nous dit, en substance : pas de stress, tout est sous contrôle.

Le communiqué de la GRC nous apprend plus particulièrement que « seize engins explosifs, 83 armes à feu et accessoires, environ 11 000 munitions de divers calibres » ont été saisis par la police chez l’un des quatre accusés. C’était en janvier 2024, mais les arrestations ont suivi seulement en juillet 2025, donc un an et demi plus tard.

L’absence d’urgence m’apparaît compatible avec l’absence de danger dont parle la GRC.

On pourra se faire une meilleure idée sur cette affaire lorsqu’on en saura plus sur le rôle joué par les agents infiltrés.

Des proches ont décrit un des quatre accusés comme un type parlant « peu de politique » qui se passionne plutôt pour les simulations militaires, tandis que des médias mainstream ont fait le lien avec une extrême droite accélérationniste qui trouve que la civilisation industrielle prend trop de temps à s’effondrer.

Chose certaine, le groupuscule était étroitement surveillé par la police depuis deux bonnes années. Repérages aériens, traceurs GPS, informateurs, agents d’infiltration, relevés bancaires : la GRC a mis le paquet durant son enquête baptisée Projet Supion.

Plusieurs questions demeurent cependant : pourquoi avoir procédé à seulement quatre arrestations alors que les deux camps d’entrainement militaro-survivalistes du groupuscule, tenus au Québec et en Ontario, ont attiré 17 personnes? Combien de ces participants travaillaient en fait pour la police ou encore pour le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), lequel a signalé l’existence du groupe Hide and Stalk à la GRC?

On pourra se faire une meilleure idée sur cette affaire lorsqu’on en saura plus sur le rôle joué par les infiltrés. Il n’est pas rare que les taupes fassent preuve de grand zèle pour mieux se faire accepter par leurs cibles. Pour certains flics, l’infiltration est même une job à temps plein.

Dans son bouquin intitulé Missions de l’ombre : les opérations spéciales de la GRC, du SCRS et des Forces armées publié en 2022, le journaliste Fabrice de Pierrebourg révélait que le Programme d’infiltration national de la GRC compte près de 400 flics en civil qui passent leurs journées à jouer les gangsters et les terroristes. Une vraie petite armée secrète qui avance à visage masqué.

Subtils comme un bazooka

Pour un groupuscule qui a le mot anglais « hide » (« cacher », en français) dans son nom, on ne peut pas dire que ses membres ont entretenu un grand mystère autour de leurs activités. La simili-milice recrutait en effet à partir du compte Instagram @Hide_N_Stalk, qui a fini par mettre la puce à l’oreille du SCRS.

On comprend pourquoi la GRC a attendu jusqu’après les arrestations pour entreprendre des démarches pour faire fermer ce compte riche en renseignements pour les flics en ligne.

L’État paye de valeureux fonctionnaires à lire toutes les niaiseries que nous publions.

Sur un balado, l’un des accusés fantasmait même à propos d’un « autre Waco », du nom d’une tuerie tristement célèbre survenue dans cette ville du Texas en 1993.

Cette candeur fait dire à un professeur du Collège des Forces canadiennes qu’on a affaire à des « amateurs », de ce fait « moins dangereux ».

On ne le répétera jamais assez : tout ce que nous disons sur les réseaux sociaux pourra être retenu contre nous.

Car l’État paye de valeureux fonctionnaires non seulement à lire toutes les niaiseries que nous publions, mais aussi à nous prendre foutrement au sérieux. Pas de farces!

Les trolls à la rescousse de la sécurité nationale

Dans un document daté d’avril 2024, la GRC demandait plus de ressources pour avoir plus de flics infiltrés en ligne avec plus de pseudonymes différents pour découvrir plus de cibles à espionner au nom de la lutte contre « l’extrémisme violent à caractère idéologique ».

La prochaine fois que vous vous verrez un troll monter sur ses grands chevaux sur les réseaux sociaux, dites-vous qu’il pourrait bien être sur le payroll de la police montée.

Sans grande subtilité, la GRC prêche pour sa propre paroisse en affirmant que la collecte de renseignements sur le web facilitera les demandes de financement supplémentaire. Cette histoire « d’extrémisme idéologique » apparaît être une manne salutaire que la police a bien l’intention d’exploiter à fond.

Le document révèle aussi l’existence d’une confusion policière concernant la notion de menace à la sécurité nationale, en mentionnant un cas spécifique où différentes divisions de la GRC en sont arrivées à des conclusions différentes concernant un tuyau fourni par un « partenaire étranger ». Bref, les fédéraux sont tout mélangés.

Cette histoire « d’extrémisme idéologique » apparaît être une manne salutaire que la police a bien l’intention d’exploiter à fond.

On y aussi lit que « l’extrémisme violent motivé idéologiquement » a causé la mort de pas moins de 26 personnes et entrainé des blessures chez 40 autres lors de sept événements différents survenus au Canada depuis 2014.

Bien qu’aucun de ces événements n’ait été associé à l’extrême gauche, la GRC continue néanmoins de cibler les activistes anarchistes, écologistes et pro-animaux, comme l’indique également le document. Il faut dire que la police adore depuis toujours persécuter la gauche. Même si nos idées sont plus dangereuses que nos actions.

***

La bonne nouvelle, c’est que les organismes fédéraux qui combattent « l’extrémisme violent à caractère idéologique » ont un chien de garde : l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR).

La mauvaise nouvelle, c’est qu’en juillet dernier, l’OSSNR a annoncé l’annulation de son examen devant porter « sur la gestion, par le SCRS et la GRC, de la menace découlant de l’extrémisme violent à caractère idéologique ».

Mais pourquoi donc? C’est la question que j’ai posée à l’OSSNR dans un courriel envoyé la semaine dernière. La réponse se fait toujours attendre…

Justice pour toutes les victimes.