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Claude Aubin est un flic vraiment cool.
Ou plutôt, « était », puisqu’il a pris sa retraite du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en 1999.
Lorsqu’il a fait la une du Photo Police, en janvier 2015, le tabloïd a dépeint Claude Aubin comme un « ancien flic rebelle », qui plus est « surnommé le Serpico québécois », en référence à ce légendaire flic newyorkais incarné par Al Pacino au grand écran. (1)
Aujourd’hui blogueur au Huffington Post, (2) Claude Aubin est aussi comédien à ses heures, en plus d’être titulaire d'un diplôme en hypnose, selon ce qu’on peut lire sur son site web. (3)
Surtout, Claude Aubin a publié trois bouquins dans lesquels il raconte des anecdotes mouvementées du temps où il était flic.
Trois bouquins qu’un militant de la CRAP s’est farci cet été, et d’où ont été puisées les citations de Claude Aubin que l’on retrouvera ci-dessous, dans cet article.
« J’étais celui qui contestait une autorité parfois aveugle, stupide, discutable et souvent non questionnée », écrit d’entrée de jeu Aubin dans son premier bouquin, « La main gauche du diable », publié en 2003. (4)
Doté d’un culot apparemment à toute épreuve, Aubin ne ratait jamais une occasion d’envoyer promener ses supérieurs, qui ne raffolaient guère de son look de « barbu aux cheveux longs, vêtu d’un chandail et de vieux jeans » qui lui donnait une « allure peu conformiste », à tout le moins pour un policier. (5)
Cultivé, Claude Aubin était un flic pas trop con, qui a compris que « derrière un criminel, il y a un humain ». (6)
Aussi mettra-t-il à profit sa maitrise de ce que certains appellent la « psychologie du suspect » pour recruter pas moins de 50 informateurs, sinon plus, au cours de sa carrière. (7)
Ce sont en bonne partie à ses informateurs que Claude Aubin doit les nombreuses arrestations qu’il a effectué durant les 32 années qu’il a passé au SPVM – arrestations qui sont chiffrées à « plus de 2000 » sur la couverture arrière de la « Main gauche du diable », et à « plus de 3000 » sur la couverture arrière du « Lansquenet solitaire », son plus récent bouquin, publié en 2014.
Claude Aubin est tellement cool qu’il a même fait de la prison suite à sa carrière au SPVM, pour « détention illégale d’informations policières » qu’il avait revendue à la pègre, un acte criminel auquel s’est ajouté vingt-cinq infractions liées à la possession et à l’entreposage d’armes à feu. (8)
Mieux : Claude Aubin a fait son temps parmi la population carcérale, sans demander à être mis « protect », au risque de croiser, à l’intérieur même du pénitencier, des gars qu’il avait arrêté par le passé (ce qui a d’ailleurs fini par arriver).
Claude Aubin est aussi imbu de lui-même et ne fait définitivement pas dans la fausse modestie.
« Le travail sera mieux fait si je m’en occupe », écrit-il pour expliquer pourquoi il a récupéré une plainte pour agression en groupe sur les rives du canal Lachine que son supérieur voulait refiler aux enquêteurs des gangs de rue.
« Je sais très bien que personne ne fera le travail aussi bien que moi »,(10) écrit-il aussi dans son plus récent bouquin, en faisant allusion à sa capacité à intervenir auprès d’une « jolie dame blonde » d’origine hongroise qu’il dépeint comme étant « un peu fêlée et cleptomane à ses heures ». (11)
Macho, Claude Aubin ne rate pratiquement jamais une occasion de faire un commentaire esthétique à chaque fois qu’il est question d’une femme dans ses bouquins.
« Tu as de si beaux yeux que je ne peux pas être trop sévère avec toi », lance-t-il à une jeune femme qu’il a interpellée pour sa complicité dans une affaire de vols d’horloges. (12)
Durant une perquisition matinale dans le quartier de Notre-Dame-de-Grâce, Claude Aubin voit un suspect couché « avec une très jolie Métisse tout aussi nue ! » (13)
Claude Aubin ne va pas passer à côté de cette occasion pour se rincer l’œil.
« La petite sirène a du mal à s’habiller et je me surprends à admirer ses jolies petits seins pointus », écrit-il. (14)
Chercher la bagarre, et la trouver
Dans « La nuit des désillusions », publié en 2011, Claude Aubin revient sur ses débuts dans la police, en 1968, alors qu’il en était seulement à sa deuxième année de service.
Agé de près de 22 ans, il était alors « un jeune policier croyant encore que dans la vie tout est blanc ou noir ». (15)
« C’était au temps où tu ne te déplaçais jamais sans ton arme. Tu étais flic vingt-quatre heures durant. Un concept oublié maintenant », écrit-il. (16)
Claude Aubin travaillait à l’époque au poste 4, qui deviendra plus tard le poste 33, situé au 105 rue Ontario est, entre les rues de Bullion et St-Dominique.
« Le plus gros poste de la ville et aussi celui qui a la réputation d’être le plus violent. C’est nous les gars de la "Main". Les durs », se vante-t-il. (17)
« Tout à l’intérieur de ces locaux est d’un verdâtre moyen ou pâle. Il semble que, selon les experts, le sang paraîtrait moins sur du vert », rapporte Aubin. (18)
Lui et ses collègues avaient souvent à intervenir sur la rue St-Laurent, où « les robineux y pullulaient comme des puces sur un chien ». (p. 19)
Claude Aubin était l’un des nombreux policiers ayant participé à la répression de l’émeute du défilé de la Saint-Jean-Baptiste du 24 juin 1968, un événement aujourd’hui comme connu étant le « lundi de la matraque » dans l’Histoire québécoise.
Cette année-là, il y avait beaucoup de tension dans les airs.
La Société Saint-Jean-Baptiste avait cru bon d’inviter le premier ministre du Canada de l’époque, Pierre-Elliott Trudeau, père de l’actuel chef de gouvernement à Ottawa. Or, comme Trudeau refusait de reconnaître le Québec en tant que nation (« One Canada, one nation » était son slogan), sa seule présence à la parade de la fête nationale du Québec était perçue comme une provocation par les militants indépendantistes.
Claude Aubin explique que les dirigeants de la police ne voulaient pas voir de militants indépendantistes dans le défilé de la St-Jean.
« Ils ne pouvaient accepter les séparatistes en tant que groupe politique dans la parade », ce qui pouvait s’expliquer par le fait que « la plupart des patrons de la police étaient fédéralistes ». (20)
« Les Chevaliers de l’indépendance, menés par Reginald Reggie Chartrand, un ex-boxeur bien connu au Québec pour sa fougue et son amour de l’indépendance, n’avaient pas l’intention de rester sur les trottoirs et ils l’avaient mentionné à plusieurs reprises », relate Aubin. (21)
Le groupe de Reggie Chartrand a d’ailleurs tenu parole.
« Les Chevaliers de l’indépendance, tout comme des champignons, se mirent à surgir de partout. Avec un aplomb bien idéaliste ils viennent s’insérer en un bloc compact dans la longue parade qui serpente lentement depuis un bon moment. C’est tout près de la rue Amherst que la police établit un barrage et c’est aussi à cet endroit que la guerre sera déclarée. Il n’est pas question que des indépendantistes viennent perturber la fête à caractère familial. Alors l’ordre est donné de disperser ces fauteurs de trouble », écrit Aubin. (22)
Pierre Bourgault, président du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN), qui avait lui aussi appelé à manifester, sera rapidement pris pour cible.
« Sitôt arrivé sur les lieux, il est saisi à bras-le-corps comme une vedette de rock et porté au-dessus de la foule, écrit Jean-François Nadeau dans sa biographie sur Bourgault. La police, nerveuse, intervient presque tout de suite. Les photos de son arrestation sont célèbres. Sur plusieurs d’entre elles ont le voit, un rictus de douleur au visage, vigoureusement étranglé par la pince d’un policier casqué lui applique à l’aide de son avant-bras. Sur une autre photo, le visage du président du RIN est écrasé contre le panier à salade ». (23)
Et c’est comme ça que tout a commencé.
Force est donc de constater que l’intolérance de la police envers les militants indépendantistes est à l’origine du grabuge.
Dans leur biographie sur le maire de Montréal de l’époque, Jean Drapeau, Susan Purcell et Brian McKenna ont mis la violence sur le compte de « policiers sans discipline et mal entrainés » :
La manifestation dégénéra rapidement en émeute sanglante lorsque les policiers montés sur leurs palominos chargèrent la foule à plusieurs reprises comme des cavaliers, sabrant à coups de matraque tous ceux qui se trouvaient sur leur passage. Ils attaquèrent aussi des journalistes et des photographes qui tentaient de photographier les scènes dont ils étaient témoins. On vit des manifestants hurlant de douleur, se faire traîner par les cheveux au milieu des éclats de vitre ; une femme enceinte fut même matraquée. (24)
Mais la responsabilité des troubles doit aussi être partagée avec le premier ministre Trudeau.
Lors du défilé, Trudeau se trouvait sur l’estrade d’honneur aux côtés du maire de Montréal, Jean Drapeau, du premier ministre du Québec, Daniel Johnson, de l’archevêque de Montréal, et de plusieurs autres dignitaires.
« Une grande partie de la foule s’était mise à huer à pleins poumons cet homme prétentieux et arrogant qui se dressait tel César devant eux », rapporte Aubin. (25)
Mais de tout ça, Claude Aubin n’en est pas directement témoin.
Lorsque la pagaille éclate, le jeune policier roule en voiture vers son lieu de travail. C’est via la radio qu’il apprend que la parade est en train de virer à l’affrontement.
« Ils ne vont quand même pas commencer sans moi », se dit-il. (26)
« La radio rapporte toujours qu’il s’agit d’une vraie bataille rangée. Alors j’accélère », ajoute-t-il peu après. (27)
Après son arrivée au poste 4, un sergent qu’il ne connait pas lui donne l’ordre d’aller surveiller le stationnement, une tâche qu’il ne trouve guère emballante. (28)
Toutefois, Claude Aubin constate rapidement que « tout semble tenir de l’improvisation » au sein des rangs policiers. (29)
Mais en voyant partir des contingents de policiers vers le front, Claude Aubin décide de sauter sur l’occasion.
« Comme personne ne contrôle quoi que ce soit, au prochain groupe je me faufile et pas question de rester loin de la bagarre », promet-il. (30)
C’est ainsi que Claude Aubin se joint à un groupe d’une dizaine de policiers qu’il ne connait pas, avec qui il monte la côte de Bullion jusqu’à Sherbrooke.
Son groupe plonge « en pleine action » une fois arrivé à l’angle de l’avenue Amherst et Sherbrooke. (31)
Claude Aubin voit ainsi les voitures de police renversées, dont « certaines ont les portes arrachées tandis que d’autres sont carrément en feu » ; des arbres du parc Lafontaine qui « ont été coupés ou cassés et qui servent maintenant d’armes, de combustibles et de remparts » ; et « une foule hostile [qui] ne cesse d’attaquer tout ce qui peut ressembler à un uniforme ». (32)
« Des hommes en uniforme les repoussent et quelques fois, comme des pêcheurs à la ligne, ils reviennent avec leurs prises qui se débattent avec désespoir ou marchent pliés en deux. Tout en laissant de longues trainées de sang », ajoute-t-il. (33)
Aubin fait alors partie « d’un groupe que l’on appelle pompeusement les renforts », avançant vers l’estrade d’honneur. (34)
Lui et les autres policiers reçoivent l’ordre de repousser la foule, d’où provient « par vagues successives un flot de pierres, de gravas et d’immondices ». (35)
« Nous frappons dans le tas sans regarder ni à gauche ni à droite dans une foule anonyme, devenue un monstre à abattre », relate Aubin. (36)
« Lors de la dernière poussée, écrit-il, j’ai ramassé un jeune avec un bâton plus gros que le mien. Un genre de madrier travaillé qu’il a récupéré je ne sais où. Mais je l’ai quand même pris de vitesse et je lui ai asséné un coup entre les deux yeux. La pauvre est tombé comme un sac. Je suis persuadé qu’il en sera quitte pour un violent mal de tête ». (37)
« Une nouvelle attaque : cette fois-ci nous faisons des prisonniers. C’est le ramassage. Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Je ne veux pas le savoir ! », écrit-il. (38)
« Ces jeunes hommes sont poussés, bousculés, frappés, insultés. Nous n’avons plus de compassion. Ni de patience. Pas plus de gentillesse. Cette fois nous devenons des guerriers automates. Ces jeunes nous les voyons comme des détenus à transporter ; tant pis s’ils saignent ils n’avaient qu’à renter [sic] chez eux », lance-t-il, sans détour. (39)
« On n’arrête pas que des séparatistes. Des hommes et des femmes, qui protestent contre la brutalité des policiers, sont frappés et conduits au poste », écrivent les journalistes Louis-Martin Tard et Jean-Claude Leclerc du Devoir. Ceux-ci rapportent les paroles tenus par un policier à l’endroit d’un de ses collègues : « Plus on en arrête, plus y en a ». (40)
Tabassé par 100 flics enragés
De retour au poste 4, Claude Aubin se voit confier par un sergent une tâche à laquelle il ne semble guère préparé : veiller à la protection de Reggie Chartrand, alors détenu.
Le sergent lui « désigne une forme assise au beau milieu de la place qui prend de moins en moins une allure humaine. Cette forme est entourée de dizaine de policiers ». (41)
Claude Aubin raconte :
Cet homme est assis au beau milieu de la salle de garde et pour son malheur il est entouré maintenant de plus d’une centaine de policiers qui, tour à tour, viennent le frapper au visage dans un pouf sonore caractéristique du marteau contre la chair. Le pauvre n’a que moi comme bouclier et je ne semble pas faire le poids.
J’ai devant moi un homme aux yeux si violacés qu’ils ne forment que deux gros œufs bleuâtres. Il a le nez aussi large que son visage et des coulisses de sang lui sortent des narines. Son visage a deux fois la grosseur normale et est couvert de marques multicolores.
J’ai tout autour de moi plus de cent hommes en colère qui se pressent autour du détenu. Et tout ce beau monde en veut un petit morceau. C’est comme si Reggie représentait tous les manifestants qu’ils n’ont pas pu se payer.
Personne ne fait attention à moi et ceux qui me regardent ne se privent aucunement de frapper.
Je tente une dernière fois de m’interposer. Mais rien n’y fait. J’ai des gars qui frappent par-dessus mon épaule.
Voilà un nouvel arrivage de prisonniers. Je me retrouve par hasard dans un comité d’accueil. Adieu Reggie ! Excuse-moi mais je n’ai pas su te protéger.
J’aimerais dire que je regrette ma lâcheté mais il n’en est rien. Quelle idée de placer l’homme le plus haï au pays au centre de ses ennemis. Et de le laisser sous la garde d’un enfant. Car c’est ce que j’étais face aux gars devant moi. (42)
Claude Aubin rapporte que Reggie Chartrand continuera à être frappé par les policiers même une fois rendu à l’hôpital Saint-Luc.
« Le grand Michel A., écrit-il, qui a toujours un énorme bandage lui cachant la moitié du visage, a été amené à Saint-luc presque en même temps que le détenu Reggie Chartrand. Et alors qu’il attend bien couché sur une civière, Michel entend dire que notre indépendantiste git à quelques pas de lui. Il demande à certains confrères de l’approcher de l’homme pour qu’avec de grands gestes il puisse le frapper du revers de la main tout en restant allongés ». (43)
Cette nuit-là, plusieurs centaines de personnes seront détenues dans les cellules surpeuplées du poste 4, où règne une chaleur accablante.
« Je me retrouve cette fois dans un groupe d’une quinzaine de bonshommes qui forme maintenant ce qu’ils appellent eux-mêmes un comité d’accueil. L’affaire est simple : c’est nous qui ferons sortir le lot des détenus de l’arrière des paniers à salade, plus que probablement à coups de bâtons. Un peu à la manière des Iroquois, nous formons deux rangées en forme de tunnel où vont devoir passer les malheureuses grappes humaines que forment les détenus. Bien sûr tous et chacun sans exception auront son lot de bosses et de plaies. Ce n’est pas très brillant mais le moment n’est plus à la réflexion. Le sang appelle malheureusement le sang et, depuis quelques heures maintenant, nous sommes peu à peu devenues des bêtes », écrit Aubin. (44)
« Nous frappons durs avec nos petits bâtons de bois ; quelques hommes tombent mais personne parmi n’a de pitié pour qui que ce soit. Nous frappons avec cette hargne des gens qui se sont cru trompés. C’est drôle à dire mais tout le monde ici s’est rendu compte, à tort ou à raison, que nous étions des mal-aimés », poursuit-il. (45)
« Bien sûr les femmes étaient souvent épargnées. Il nous restait encore ce code d’honneur. Quelques-unes avaient quand même dégustées le plat du jour et il n’était pas rare de voir des traces de sang sur quelques visages », rapporte-t-il. (46)
La détention s’avéra tout de même pénible pour les femmes.
« Dans les cellules des filles il n’y a pas de toilettes. Je me déguise donc en policier pipi pour quelques minutes », explique Aubin. (47)
« La toilette est celle des policiers. Pas drôle. Il faut laisser sortir les flics qui y sont et surveiller qu’il n’en vienne pas d’autres. Les filles ne peuvent pas se sauver car il n’y a pas de fenêtres. Mais elles prennent un temps fou pour s’arranger dans les grands miroirs face aux lavabos. Il ne faudrait jamais qu’il y ait de miroir dans une toilette de filles. Au tour du sergent de m’enguirlander. Je suis trop prévenant. Nous ne sommes pas des bonnes et ce sont des détenues.
- Oui mais elles ont envie.
- Elles n’ont qu’à pisser dans leurs culottes. (48)
« À l’étage du haut c’est l’autre comité d’accueil. Pour ce que j’en sais. Les détenus y passent un dernier mauvais quart d’heure avant la photo. Pas très méchant. Un croc en jambe et une taloche derrière la tête. Selon ce que j’ai pu voir. J’imagine que même les gars de l’identité voulaient en avoir un morceau. Plusieurs avaient eu à photographier des policiers blessés et des autos les quatre pneus pointés vers le ciel. Pour une fois que l’on pouvait se permettre », relate Aubin. (49)
« Depuis quelques heures déjà j’ai la désagréable impression que nous ne sommes pas du bon côté », confie-t-il. La remise en question sera apparemment de courte durée, Aubin ajoutant aussitôt : « Bien sûr que je suis du bon côté ; je représente la loi et j’ai un revolver ». (50)
« Un des prisonniers décide de protester pour une raison qui ne m’apparait plus tellement claire aujourd’hui. Un ou deux autres en rajoutent. Je sais qu’ils parlent d’indépendance et de lutte. Même de lutte armée. Cette fois c’est moi qui explose. "Bon. Vous voulez être des révolutionnaires : ok ! Vous allez devenir des révolutionnaires musclés. Tout le monde à terre pour des pompes. Vous savez comment ?" Ceux qui ne vont pas assez vite à mon goût se retrouvent au sol sans ménagement. Des révolutionnaires ? Tu parles », écrit Aubin sans cacher son mépris. (51)
C’est durant cet épisode que Claude Aubin fait la connaissance d’un aspirant policier, qui s’est retrouvé parmi les prévenus pour avoir été au mauvais endroit, au mauvais moment.
« Pour lui les autres sont l’ennemi et pourtant c’est dans leur cellule qu’il crèche. Mais de ce côté-ci du comptoir il a comme des nouveaux amis. Pour le jeune le traitement sera différent. Quelques plaisanteries, une visite des lieux et une escorte spéciale. Personne ne touchera à un cheveu du petit. Il est le seul à sortir du bureau avec un sourire fendu jusqu’aux oreilles », relate Aubin. (52)
Réécrire l’Histoire ?
La « très longue nuit de la Saint-Jean est venue écorcher les belles et peut-être dernières illusions qui subsistaient de ma paisible adolescence », écrit Aubin. (53)
Mais pas à cause des abus policiers dont il a lui-même été témoin, et parfois même partie prenante.
Ce qui changera sera sa perception… des foules.
« Jamais plus je ne verrai la foule comme une masse paisible et accueillante », écrit-il. (54)
Pire, Claude Aubin essaie même de faire passer les policiers pour les principales victimes du « lundi de la matraque ».
« Cette nuit-là, qui ne s’est pas fait tabasser ? Surtout les flics qui y ont goûté », lance Aubin, comme s’il aspirait à réécrire l’Histoire. (55)
Claude Aubin se montre d’ailleurs ouvertement hostile envers ceux qui oseront critiquer la police dans les médias.
« Cette bande d’idiots patentés, qui étaient hier à l’abri des roches et des bouteilles, racontent maintenant comment nous aurions dû gérer la manifestation. Comment nous aurions pu prévoir l’imprévisible. Comment nous aurions dû répondre aux attaques avec doigté et gentillesse. Quelle bande de connards ! », s’exclame Aubin. (56)
On reconnait bien là un trait de personnalité très présent dans la sous-culture policière : l’intolérance à la critique, surtout lorsqu’elle vient de l’extérieur des rangs de la force constabulaire.
Or, dans ce cas-ci, la critique vient aussi de l’interne.
« Nous en sommes venus à la conclusion qu’il fallait refaire l’entraînement de tous nos policiers », de déclarer Michel Côté, directeur du contentieux au service de police, dès le lendemain du « lundi de la matraque ». (57)
Le bilan de cette soirée agitée se chiffre ainsi : 292 arrestations dont celles de 81 mineurs, 123 blessés dont 42 policiers, auxquels il faut ajouter 12 auto-patrouilles brûlées, six chevaux blessés. (58)
Pour avoir un aperçu plus complet de cet événement, un ouvrage, simplement intitulé « Le lundi de la matraque », s’avère une lecture essentielle.
Publié aux éditions Parti pris quelques mois plus tard, ce livre renferme des témoignages assermentés de victimes et témoins de brutalité policière, tous les plus révoltants les uns que les autres.
Certains de ces témoignages font d’ailleurs allusion à ce policier – que l’on sait aujourd’hui être Claude Aubin – qui obligeait les détenus à faire des pompes au poste 4.
Plusieurs extraits de ce livre sont disponibles sur le site web de Moïse Marcoux-Chabot. (59)
Non, le « lundi de la matraque » n’a aucunement entamé la volonté de ce jeune policier qu’était alors Claude Aubin de faire carrière dans la police de Montréal.
Preuve en est le fait qu’il demeura pendant trente autres longues années au sein de ce corps policier municipal.
Combattre le mal en incarnant le diable ?
Claude Aubin dit faire partie de ceux qui « sont restés fidèles à l’honneur du flic ». (60)
Sa vision du métier de policier est celle d’un « combat séculaire contre le mal ». (61)
« Avec les années, on apprend ainsi à hurler avec les loups, à danser avec les filles et à pactiser avec le diable lui-même. Au fond, à force de vivre dans ce perpétuel mensonge, ne devenons-nous pas nous aussi l’incarnation du diable ? », demande-t-il, de façon rhétorique. (62)
Un diable adoptant les traits d’un flic-prédateur tout excité à la simple idée de se lancer à la chasse de suspects.
Voici comment Claude Aubin décrit son état d’esprit, et celui de son partenaire, le constable Nick Sobol, alors qu’ils sont sur le point de lancer une opération de filature visant une personne soupçonnée de s’être livré à des introductions par effraction dans Montréal-Ouest. :
Nous revoilà, Nick et moi, emportés par la frénésie de la chasse. Notre sang de prédateur bouillonne. (63)
« Tous les officiers en charge des relèves connaissent ma réputation. Pour tout l’or du monde, ils ne voudraient pas avoir à me contrôler, mais ils connaissent ma passion pour la traque », ajoute-t-il. (64)
« Rencontrer quelqu’un que tu traques, c’est comme être le matador qui s’approche de la bête », écrit-il aussi alors qu’il s’apprête à interroger un jeune homme appréhendé pour sa participation à une agression en groupe sur les rives du canal Lachine. (65)
Et lorsqu’il est transféré au poste 25, dans le centre-ville de Montréal, il écrit avoir hérité d’un « nouveau territoire de chasse ». (66)
Dans son plus récent bouquin, Aubin se compare à un « lansquenet ».
« Au milieu du millénaire qui vient de s’écouler, écrit-il, les lansquenets étaient des mercenaires, des hommes d’armes, des fantassins défendant tels des samouraïs, jusqu’à la mort, les châteaux médiévaux germaniques. Ils se louaient aux seigneurs pour le temps qu’ils le voulaient bien. C’est ainsi qu’ils gagnaient leur vie à guerroyer, souvent les uns contre les autres. Ces hommes étaient rustres, fantasques, trop fiers aux dires de plusieurs. Toujours prêts au combat comme au plaisir. Des mercenaires à l’image des reîtres, des soudards et des mousquetaires qui ont peuplé notre imaginaire. Ils étaient aussi, selon les textes du temps, fidèles aux maîtres qu’ils servaient. » (67)
Tout suspect lui donnant du fil à retordre devient un prétexte pour donner libre cours à la violence.
« Un après-midi de chasse, écrit-il, j’ai la chance de rencontrer une petite peste noire d’à peine un mètre cinquante, mais dotée d’un indéniable caractère de chien. Cette jeune fille, très belle au demeurant, avait commis quelques vols dans les dépanneurs du secteur, armée d’un fusil au canon tronçonné. Quand elle pousse l’audace jusqu’à me cracher dessus, je suis assez inspiré pour ne pas réagir. Mais, au moment de la photo, la petite ne veut toujours rien entendre. Cette fois, c’en est assez : elle se fait durement écraser son joli minois entre mes mains.
- Il n’y a qu’un patron ici, et c’est moi… Alors, ta jolie petite gueule, tu la places devant la caméra.
Je sais que je lui ai fait mal, mais c’était le prix à payer pour son attitude ». (68)
Il est parfois difficile de savoir si Claude Aubin prend plus de plaisir à raconter ses gestes de brutalité ou à les faire subir à ses victimes.
Voici comment il fait la narration d’une arrestation musclée à laquelle il a procédé dans le quartier de NDG :
Hartley tente d’attraper un couteau caché sous son oreiller. Je me retrouve assis sur lui et lui colle la figure contre le plancher. Son menton endolori lui rappellera qu’il est malavisé de se mettre sur mon chemin. (69)
Son compte rendu d’une autre arrestation musclée, également dans NDG, est tout aussi éloquent :
Je l’attrape à la gorge et me colle dessus sans lâcher prise. J’ai l’air d’un cowboy qui mate un buffle. Le monstre manque d’air et je commence à avoir le dessus. Nouvelle surprise ! Nous sommes entourés d’Indiens. Comme le jeune est de couleur, tout ce beau monde crie au racisme. Ils m’ordonnent de le relâcher.
- Si vous approchez, je le tue. Compris ? (70)
Laissons-le maintenant raconter l’arrestation de Mike, un vendeur de drogue vivant dans un « petit appartement minable, sale et délabré du boulevard Décarie » :
Mike n’étant pas très coopératif, me donna lui aussi l’occasion de pratiquer ma prise favorite, l’étranglement ! (71)
Tout aussi coloré est sa narration de l’arrestation d’un homme d’origine Nord-Africain qui « bat sa femme avec la régularité d’un métronome » :
D’un coup, il décide de me repousser rudement tout en refermant la porte. C’est son dernier geste d’homme libre. Quelques seconds et une bonne clé de bras plus tard, il me sert de tapis. Le temps de laisser sortir quelques invités, nous repartons en vitesse avec le colis. (72)
Passons maintenant à sa narration de l’arrestation d’un jeune homme soupçonné d’avoir pris part à une agression en groupe sur les rives du canal Lachine :
Quand il m’aperçut, il tomba en fascination devant le canon de mon arme pointé sur son nez.
- Couche-toi rapidement par terre…
Un peu sous le choc, il obtempéra rapidement et se laissa glisser vers la pelouse en attendant la suite. À titre expérimental, je lui fis brouter un peu de gazon… Ce petit gang de minus habens et leurs avocats commençaient drôlement à me faire chier. (73)
Par son choix de mots des plus questionnable, Claude Aubin semble vouloir banaliser délibérément la brutalité policière.
Pire, il la rend « cool ».
Il raconte ses anecdotes de brutalité policière sous la forme d’un gag, avec un punch à la fin.
Il ne manque plus que les rires en canne...
Jouer au « Dirty Harry »
Claude Aubin a aussi recours à ses tactiques d’intimidation lors d’une enquête sur une plainte pour extorsion visant des ressortissants russes :
Nous mettons immédiatement l’homme en état d’arrestation, ce qui ne se fait pas sans heurts. C’est le moment que je choisis pour pointer mon arme directement sur le bas du ventre du monstre.
- Bon… si tu continues, je vide mon arme sur toi… Tu auras l’air d’une passoire… Une passoire morte !
Le bonhomme s’arrête sec. Je lui souris dangereusement, je crois qu’il voit dans mes yeux une petite étincelle malicieuse.
- Tu vois, mes amis disent que je suis complètement fou… Tu comprends ? Tu bouges, je tire et c’est la police qui fait l’enquête. (74)
Ses rapports avec des ressortissants russes criminalisés ne vont aller qu’en empirant lorsqu’Aubin est informé qu’un contrat a été mis sur sa tête :
- Regardez-moi… regardez-moi bien dans les yeux ! La prochaine fois que vous voyez ces yeux-là… c’est que vous êtes morts. À partir de maintenant, c’est la chasse. Dès que je vous vois, je vous tue. Panyé mayé ?
J’ai du mal à contenir toute la colère qui gronde en moi. Tout à coup, je m’élance vers la voiture pour en sortir tout ce qui s’y trouve. Tout y passe, bancs, papiers, vêtements… Il en résulte un amas difforme s’étalant sur le pavé. Maintenant c’est au tour du coffre arrière. Ramazzan, que les policiers ont laissé s’approcher, me crie quelque chose que je ne comprends pas.
- Que fais-tu des droits de la personne ?
Je m’arrête d’un coup sec. En quelques pas, je suis sur lui. Le pauvre homme est tellement surpris qu’il recule.
- Les droits de la personne ne s’appliquent pas pour vous, les copains… Vous n’êtes que des animaux !
Ce qu’ils ne savent pas, c’est que depuis quelques jours, je ne me déplace pas sans mon fusil à canon scié… C’est hautement illégal, mais absolument nécessaire pour rester en vie. (75)
Claude Aubin relate par la suite les menaces de mort qu’il a proféré envers un autre ressortissant russe :
Rendu aux cellules, seul à seul, je pris quelques secondes pour lui expliquer la situation.
- Tu sais, Eddy, le jour où je serai vraiment en colère… j’irai te chercher pour te faire une de ces promenade en coffre d’auto… Remarque, tu vas sûrement voir une pelle et un sac de chaux. Quand nous serons en campagne, tu creuseras un trou, moi j’ai mal au dos ! Puis je te tuerai… (76)
Informé qu’un autre ressortissant russe, celui-là arrêté pour une histoire de possession d’arme à feu, vient de menacer un collègue, Aubin y voit de nouveau un prétexte pour jouer au « Dirty Harry », ce personnage de flic cynique et brutal incarné par Clint Eastwood au grand écran :
Le pauvre garçon ne s’est pas encore aperçu qu’il est dangereusement près du bord du bord de l’escalier. D’une légère poussée, je lui fais perdre l’équilibre et il se retrouve accolé face au mur dix marches plus bas. Je descends.
Je le place à côté de l’autre rebord et recommence le même manège. Le pauvre ne doit son salut qu’au deuxième mur.
- Bon… Maintenant, tu vas m’écouter… Il y a encore un étage à descendre. C’est toi qui va choisir comment le descendre. Je veux que tu t’excuses auprès du policier, sinon à partir du premier… Retour à l’ascenseur et descente par les marches… Un de nous deux va se fatiguer et je parie que ça ne sera pas moi… Panyé mayé ? (77)
Claude Aubin se fait donc connaitre dans le milieu interlope comme un flic capable de violence, une réputation qu’il juge par ailleurs fort utile pour arriver à ses fins.
Ainsi, lorsqu’il se lance à la « chasse » d’un revendeur de drogue soupçonné d’avoir sauvagement battue une jeune femme d’âge mineure, il dit compter sur sa « très mauvaise réputation pour brasser les cages ». (78)
Pour Claude Aubin, la brutalité policière semble si indispensable qu’il voit mal comment il pourrait s’en passer pour exercer son métier.
C’est à tout le moins ce que suggère un incident, survenu en fin de carrière, que raconte Claude Aubin dans son plus récent bouquin.
« Un de mes amis, un homme de plus de 29 années de carrière, se fera traîner dans la boue, soir après soir, pendant quelques semaines par une station de télé qui diffusera un geste d’une brutalité inqualifiable. Le méchant enquêteur contenant mal sa rage, mettant le pied sur la tête du suspect, pas pour l’écraser, mais comme un message au bonhomme qui continue à le narguer. Je reconnaîtrai ainsi mon lutteur », écrit-il. (79)
Claude Aubin fait ici allusion au sergent-détective Richard Lesiège, devenu tristement célèbre après son apparition dans un reportage diffusé à la télé de Radio-Canada, le 30 octobre 1998, relatant l’arrestation de deux hommes d’origines roumaines pour de multiples fraudes à l’endroit de personnes âgées.
Et les images diffusées diffèrent sensiblement de la description que Claude Aubin offre de la scène.
Il suffit pour s’en convaincre de comparer les dires de l’ex-policier avec la narration énoncée par le journaliste Hugo Dumas dans un article publié dans La Presse :
Sur la bande vidéo de Radio-Canada, on peut voir l'enquêteur en question agripper un suspect - déjà maîtrisé par deux policiers - par la tête et lui cogner le visage contre le sol à au moins deux reprises. Le sergent-détective, qui compte 30 années au service du SPCUM, place ensuite son pied sur la tête du suspect, qui est immobile et couché face contre terre, mais se ravise en réalisant qu'une caméra de télévision est braquée sur lui. (80)
Ces images, on ne peut plus incriminantes, vaudront au sergent-détective Lesiège d’être inculpé de voies de fait ayant causé des lésions corporelles. (81)
La cause finira toutefois en queue de poisson, la couronne annonçant à la Cour du Québec ne pas avoir suffisamment de preuve à offrir – et ce, malgré les images qui parlaient d’elles-mêmes – après que la victime ne soit pas présenté au Palais de justice pour offrir son témoignage. (82)
Lesiège, qui avait entretemps prit sa retraite, s’en tirera avec une sanction déontologique, somme toute symbolique, lui interdisant d’exercer les fonctions d’agent de la paix pour une période de deux ans pour avoir eu « recours à une force plus grande que celle nécessaire ». (83)
« Les constables de ma génération ne s’y retrouvaient plus dans cette nouvelle vision de la société. Plusieurs flics allaient partir à la retraite juste parce qu’ils ne pouvaient plus travailler à l’intérieur de ces nouveaux paramètres. J’imagine que nous appartenions à une époque révolue », de conclure Aubin, qui semble nostalgique de l’époque où la brutalité policière n’était suivie d’aucune conséquence déontologique. (84)
Les yeux grands fermés sur l’illégalité policière
Claude Aubin ne s’en cache pas : il n’était pas un flic by the book.
Tout au contraire, il était plutôt du genre à arracher les pages du livre, une par une.
« La façon officielle est un peu trop lourde pour moi… », confie-t-il. (85)
« Lorsqu’on fait la guerre au crime, on ne fait pas toujours dans la dentelle. La société ne demande pas à la police de transgresser les lois, mais… elle s’en accommode tant que ce n’est pas trop dérangeant. Mon expérience m’a appris que les citoyens désavouent dans leur ensemble l’illégalité en général. Mais lorsqu’il est seul et qu’il se sent lésé, le citoyen fermera les yeux sur certains actes à la limite de la légalité s’ils sont posés dans un but évident de justice. Les héros policiers de vos films préférés ne sont-ils pas tous un peu rebelle ? », fait-il valoir. (86)
Dans son premier bouquin, Aubin raconte comment lui et son partenaire ont procédés à une perquisition illégale dans un appartement au sous-sol qui permettra à son équipe de confirmer la présence d’une « cache contenant plusieurs milliers de pilules de contrebande ». (87)
« On appelle ça un "catch 22", écrit Aubin. Tu y vas et c’est illégal, tu n’y vas pas et tu laisses la drogue sur les lieux, quitte à la perdre. Ni lui ni moi n’en sommes à notre première effraction. N’en déplaise aux avocats et à la Charte, dans certains cas le bien de la communauté passe avant celui de l’individu. Je dois maintenant planifier une opération hautement illégale ». (88)
Et ce ne sont pas ses collègues flics qui vont essayer de le freiner.
« Le groupe est solide et ces enfants sont prêts à me suivre en enfer », assure Aubin. (89)
« L’opération hautement illégale » se révèle fructueuse.
« Alain entre et se dirige avec précaution vers un réduit dans la cuisine. Il saisit rapidement un imposant sac de pilules blanches », rapporte Aubin. (90)
Dans son plus récent bouquin, Claude Aubin fait allusion à une autre opération du même acabit.
« J’avais ramassé pour plus de 250 000 $ de stupéfiants. Ce n’était pas dans mon secteur, la perquisition étant à la limite de la légalité, mais je ne pouvais pas me permettre de perdre ces stupéfiants. J’avais alors dit à mon patron qu’entre la légalité et la moralité, j’avais choisi la deuxième option », de dire Aubin. (91)
Selon Claude Aubin, les juges ne sont pas dupes. Ils savent qu’il arrive aux flics d’en beurrer épais quand vient le temps de rédiger une demande de mandat de perquisition.
« C’est drôle comme les juges ont un sens de l’humour spécial. Ils nous avisent de manière détournée qu’ils ne croient pas toujours ce qu’on écrit sur ce bout de papier. En principe ils n’ont pas tort. Les règles de loi exigent que nous soyons créatifs », se justifie Aubin. (92)
Bref, les juges préfèrent fermer les yeux, un aveuglement volontaire qui fait d’eux des complices de facto des pratiques policières hors-la-loi.
Cachez ces crimes que la police ne saurait voir
De son côté, Claude Aubin fermait les yeux sur les infractions commises par des criminels ayant acceptés de devenir ses informateurs.
« Pour ne pas perdre mon informateur, je décide de passer sous silence sa participation à quelques crimes. Personne n’en parle ouvertement et nos patrons aiment mieux ne pas le savoir, mais cette pratique est courante dans mon département », écrit Aubin. (93)
L’informateur auquel Claude Aubin fait allusion est simplement identifié comme étant « D. » dans son premier bouquin.
« D. revint me donner de petites informations sur des revendeurs du secteur ou sur des évadés. Ce petit futé de D. a encore une fois commis quatre-vingt introductions par effraction et m’indique d’où proviennent tous les objets que je trouverai chez le revendeur. Le marché est simple : l’immunité contre l’information. Le bougre vient candidement me balancer son revendeur et sa plantation hydroponique de marijuana », relate-t-il. (94)
Par la suite, D. « oublie de retourner à sa maison de transition » et reprend contact avec Claude Aubin, un an plus tard.
- Dis-moi… tu as combien d’intros de commis ?, lui demande alors Aubin.
- Trois cents… Un peu plus, lui répond D. (95)
« Nous avons recensé plus de trois cent vingt introductions par effraction et identifié trois receleurs. À peu de choses près un crime par jour », rapporte Aubin. Son mouchard prolifique écope de « quelques accusations, assez pour le détenir ». (96)
Mais James Medley, que Claude Aubin surnomme « le voleur illettré », (97) sera vraisemblablement l’informateur le plus controversé du « flic rebelle ».
« Une nuit de fin de semaine, écrit Aubin, un enquêteur de Westmount appelle chez-moi. Je ne suis pas tout à fait réveillé, mais je comprends qu’il détient l’une de mes sources.
- Excuse-moi, Claude, mais ce bonhomme insiste pour te parler… Il était avec deux autres gars qui ont tenté de pénétrer dans une école.
- Bon, ça va, passe-le moi.
- Claude, dis-leur que je ne vole pas… J’étais avec V. et Junior. Ils ont fait le coup. J’ai tenté de t’appeler, mais à ton poste personne n’a voulu te rejoindre.
James me repasse l’enquêteur, et je le convaincs tant bien que mal de laisser partir mon grand monstre. Nous convenons donc d’un rendez-vous lundi matin ». (98)
« Je passe les deux heures à tenter de lui faire comprendre qu’il ne doit pas commettre de crimes avec eux… Un juge ne comprendrait pas ! Mes patrons ne me protégeraient pas si je le laissais faire… Malgré tout, s’il devait continuer de cette façon, je préférais être tenu informé… Histoire de le couvrir. James deviendra plus prudent, ce qui en fera un de mes meilleurs éléments. Il sera utilisé à toutes les sauces, des vols d’autos dans le secteur aux vendeurs de stupéfiants. Le pauvre sera même utilisé lors des manifestations contre la brutalité policière lors du décès du jeune Anthony », écrit Aubin, en faisant allusion à Anthony Griffin, ce jeune homme Noir tombé sous les balles de la police, en 1987. (99)
Liaison Sécurité, une unité du SPVM spécialisée dans le renseignement politique, a en effet adressé une demande particulière à Claude Aubin dans le contexte tendu qui a suivi cette tristement célèbre bavure.
« J’ai besoin d’un gars de couleur pour infiltrer la gang de manifestants dans ton secteur », d’expliquer le responsable de Liaison Sécurité à Claude Aubin. (100)
« Dès le lendemain, je lui envoyai mon ami James qui avait toute confiance. Un grand garçon bien débrouillard et fort en gueule. Il avait le meilleur profil du groupe de mes sources », écrit Aubin. (101)
Décidément, Claude Aubin ne tari pas d’éloges envers son précieux indic.
« C’est aussi grâce à sa participation que la rue Walkley fut nettoyée des revendeurs de drogue », affirme encore Aubin, toujours en parlant de Medley. (102)
Claude Aubin précise que Walkley est « cette rue spéciale où peu d’enquêteurs aiment se retrouver. Nigger Town, comme plusieurs l’appellent. Pour quantité de policiers, la rue Walkley est un défi à surmonter ». (103)
« Avec James, nous irons pendant plus de six années au combat sur la rue Walkley », de dire Aubin. (104)
« Malheureusement, après mon départ, il ne se trouvera personne pour contrôler les élans de notre enfant terrible et certains le traitèrent en nègre… Le reste est dans les journaux ! » (105)
Quand on sait ce qu’on trouve dans les journaux, on comprend facilement pourquoi Claude Aubin n’a pas voulu s’étendre sur le sujet…
Un tortionnaire sexuel au service de la police
À l’époque, l’affaire James Medley avait fait grand bruit.
Le 25 octobre 1996, Medley, alors âgé de 38 ans, a été arrêté par la police, en compagnie de deux jeunes femmes, Tracy Gonzales et Christina Sherry, toutes deux âgées de 18 ans, dans son logement de la rue Randall, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce. (106)
Le « trio infernal » a été accusé d’avoir violé, séquestré et torturé ensemble quatre adolescentes en fugue, entre 1991 et 1996. James Medley devait à lui seul répondre d’un total de trente-six accusations.
Les policiers ont saisi des instruments de torture, sur lesquels ils trouveront d’ailleurs des traces d’ADN de certaines des victimes. (107)
Ils ont aussi mis la main sur des vidéocassettes sur lesquelles il est possible de visionner certaines des sévices sexuels que James Medley a infligée à ses victimes. C’est d’ailleurs en essayant d’extorquer la somme de 800 $ à une victime figurant sur les images vidéo que celle-ci s’est décidé à dénoncer Medley à la police. (108)
Certaines des jeunes victimes de James Medley avaient carrément été réduites à l’état d’esclaves sexuelles maintenues en captivité. Une autre a été contrainte sous la menace de se prostituer auprès de quatre voisins vivant dans le même immeuble à logements que celui de Medley. (109)
Au terme d’un procès surmédiatisé, Medley et Gonzalez ont été déclarés coupables sur toute la ligne de l’enlèvement et du viol des quatre adolescentes (deux dans le cas de Gonzalez), de même que d’avoir vécus des fruits de la prostitution. (110)
James Medley a été condamné à purger une peine de 26 ans et huit mois d'emprisonnement, sans possibilité de libération conditionnelle avant 10 ans. Gonzalez a quant à elle écopé d’une sentence de sept ans et huit mois. Sherry, qui avait plaidé coupable avant le procès, s’est pour sa part vue imposer une peine de cinq ans de prison. (111)
Au moment de recevoir sa sentence, James Medley comptait 43 condamnations à son dossier judiciaire; aucun crime en matière sexuelle, mais des vols, des trafics de stupéfiants et quelques gestes de violence. « Ses dernières peines ont été très faibles », de noter Yves Boisvert de La Presse. (112)
Malgré sa propension à la récidive, James Medley semblait donc avoir échappé à la gradation des sentences, un principe en droit criminel selon lequel la sévérité des peines doit aller en augmentant lorsqu’une personne accumule les condamnations à son dossier.
Mais il y a beaucoup plus étonnant encore.
Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour son indic
Comme l’a révélé un reportage de l’émission « Fifth Estate », diffusée à l’antenne de CBC, en 1986, James Medley a téléphoné à un foyer d’hébergement et à menacer de s’y rendre avec une arme à feu pour récupérer sa « copine », âgée de 16 ans. (113)
« [TRADUCTION] Non seulement n’a-t-il pas été accusé, mais la police et les travailleurs sociaux ont convaincu un juge du tribunal de la famille de lui permettre de partir et d'aller vivre avec lui. Elle est ensuite devenue une prostituée accro au crack », relate le journaliste d’enquête Victor Malarek.
Oui, vous avez bien lu : James Medley a obtenu la garde temporaire de l’adolescente, de douze ans sa cadette.
Et ce, malgré son dossier criminel des plus étoffés.
Dès l’âge de 18 ans, James Medley avait accumulé une série de condamnations pour des vols qualifiés et des introductions par effraction qui lui vaudront de passer les cinq première années de sa vie adulte en prison. Et avant, il avait vécu 13 des 18 premières années de sa vie mineure en institution, des familles d’accueil en passant par les écoles de réforme, son parcours mouvementé incluant même au moins un séjour en psychiatrie.
Et Claude Aubin dans tout ça ?
Hé bien, 1986 est l’année où il recrute James Medley comme informateur.
Le quotidien The Globe and Mail rapporte même que Claude Aubin « [TRADUCTION] avait une relation père-fils avec M. Medley ». (114)
Un militant de la CRAP a récemment contacté Claude Aubin via Twitter, pour lui demander s’il avait joué un rôle dans la décision du juge. Cet échange a généré les réponses suivantes :
oui James fut une source. Oui Son épouse était une jeune femme de 17 ans au moment.
Que savez-vous de la vie de ce couple? Saviez-vous qu'ils sont demeurés ensemble pendant des années.
Nous avons travaillé avec la DPJ et le juge. J'ai fait la suggestion à un juge fatigué de la voir s'enfuir de sa détention.
Il est facile de critiquer quand on ne connait rien du dossier. J'ai été le premier à vouloir traiter ce dossier.
Résumons : Claude Aubin a aidé James Medley à obtenir la garde temporaire d’une adolescente.
Dès lors, James Medley se trouve en situation d’autorité avec elle.
En tant que sergent-détective, Claude Aubin ne pouvait tout de même pas ignorer que le Code criminel stipule que le consentement sexuel de la personne mineure n’existe pas lorsque son partenaire est un adulte se trouvant en situation d’autorité avec elle.
Et en l’absence de consentement sexuel, ce type de rapport est qualifié d’agression sexuelle en droit criminel.
Et ce ne sera pas la seule fois qu’un juge confiera à James Medley la garde temporaire d’une adolescente.
En 1991, le Tribunal de la jeunesse a en effet accordé à James Medley la garde temporaire d’une mineure de 14 ans, et ce, malgré les fortes objections d’un travailleur social. Et le comble, c’est que l’adolescente en question était la même mineure qu’il obligera à tourner dans des vidéos pornographiques amateurs, ce qui est en fait l’un des innombrables sévices que lui a fait subir ce pédophile ultraviolent. Quant à la mère de la victime, elle avait fermé les yeux car elle dépendait de Medley pour s’approvisionner en crack. (115)
L’inaction du centre jeunesse
À cette étrange décision s’ajoute la passivité du centre jeunesse Shawbridge, laquelle a été montrée du doigt dans les médias lorsque l’affaire James Medley a finalement éclaté au grand jour.
Il faut dire qu’en six ans, James Medley avait réussi à attirer pas moins de 40 jeunes filles pensionnaires de Shawbridge, selon sa propre évaluation, ou du moins une bonne dizaine (selon les sources officielles).
Les responsables du centre jeunesse n’étaient pourtant pas sans ignorer ce qui se passait.
[TRADUCTION] « Ça faisait longtemps que ça se passait, reconnait la Shirley Miller, présidente du comité des usagers du centre. Je suis impliqué avec Shawbridge depuis sept ans et nous le savions pendant tout ce temps. Tout le monde avait peur. Personne ne voulait porter d’accusations. C’était des filles de 15 ans ». (116)
« On savait depuis le début des années 90 que les adolescentes allaient boire, se droguer, et parfois se prostituer, chez lui. On l'avait même vu rôder sur le campus. Et on avait averti tous les employés de prévenir la police à la moindre apparition », rapporte Marie-Claude Malboeuf, journaliste de La Presse. (117)
« En revenant, les filles se vantaient de ce qu'elles avaient fait avec lui », a expliqué l’une des jeunes femmes à la journaliste.
« Ils sont restés passifs pendant des années, dénonce Janet Jardine, la mère de Tracy Gonzalez. Toutes les semaines, ils ont des réunions pour discuter de ce qui se passe. Et ils écrivent tout dans leurs livres. Je ne comprends pas comment ils ont pu fermer les yeux si longtemps : je m'interroge sur leur jugement ».
« Quand tout a commencé, ajoute-t-elle, j'ai su par la sœur de Tracy où elle se trouvait. J'ai téléphoné à Shawbridge. Ils n'ont pas voulu m'aider. J'ai téléphoné à l'ancien dirigeant de la Protection de la jeunesse, Marcel Croteau. Il n'a rien fait non plus. Finalement, j'ai dû alerter les agents moi-même. Et Shawbridge m'a dit qu'on ne pouvait pas empêcher Medley de téléphoner à ma fille par la suite...»
« Je crois que les policiers n'ont rien fait parce qu'il s'agissait de délinquantes et qu'ils se disaient qu'elles en avaient vu d'autres, affirme une autre mère. Personne ne savait encore que Medley les torturait. Mais tout de même, je pense qu'il aurait fallu agir sans attendre, dès qu'on a su qu'il les forçait à commettre des actes sexuels ».
En 1994, le centre jeunesse savait que James Medley cachait trois mineures en fugue dans son appartement. Et pourtant, jamais la police ne l’a embêté.
« [TRADUCTION] Nous n'avons pas le pouvoir d'arrêter les gens. Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour donner toutes les informations que nous avions à la police afin qu'elle puisse agir », se défend Michael Udy, directeur général de Shawbridge.
« [TRADUCTION] Ma fille est allé sur la Rive-Sud et a rencontré un gang de motards très bien connu, parce qu'ils étaient les seuls à pouvoir la protéger », raconte la mère d’une des victimes.
Informateur intouchable ?
Pour Janet Jardine, l’inaction des autorités a une explication toute simple : « Je suis certaine qu'on le protégeait parce qu'il était informateur ». (119)
James Medley ne s’en cachait même pas. Il se vantait d’avoir des amis dans la police, lance Sherry durant son témoignage au procès. (120)
En fait, les liens qui unissaient James Medley ne semblaient pas être un secret pour personne.
« Tout le monde savait qu'il aidait la police. Mais on le tolérait parce qu'il ne dénonçait pas ceux à qui il ne fallait pas s'attaquer », confirme une ancienne livreuse de drogue. (121)
Comme l’explique le sergent-détective Gilles Laurin au magazine Maclean’s, James Medley disait à ses victimes qu’il était informateur de police et que la policiers ne les croiraient pas. (122)
« Il était informateur. Les agents lui parlaient régulièrement au téléphone et venaient le voir à la porte. Je ne pouvais pas me fier à eux », a déclaré l’une de ses victimes durant son témoignage pour expliquer pourquoi elle n’avait pas fui plus vite son tortionnaire. (123)
« [TRADUCTION] Il a téléphoné à la police en face de moi et il riait avec eux, en disant: "Ha, ha, vous le savez, vous les gars vous ne pourrez jamais m’attraper". Et ils étaient juste là, à avoir une grande conversation », explique celle qui dit avoir vu des policiers « plusieurs fois » au logement de Medley. « Voir qu'ils venaient à la maison pour parler à James ne me donnait pas l'impression qu'ils étaient ... seraient de mon côté », ajoute-t-elle. (124)
James Medley semblait chercher à convaincre ses victimes qu’il jouissait d’une sorte de statut d’intouchable.
« James se promenait avec son dossier criminel et cherchait à épouvanter les filles en tournant les pages en disant : ''Tu vois : acquitté! acquitté! acquitté!'' », raconte David Brown, un éducateur de Shawbridge ayant bien connu les jeunes victimes du violeur. (125)
Tous ces éléments mis ensemble permettent de mieux comprendre pourquoi James Medley a pu sévir impunément pendant un aussi grand nombre d’années.
En résumé : James Medley a instrumentalisé son statut d’informateur pour convaincre ses victimes de ne pas se plaindre à ses protecteurs de la police.
Et Claude Aubin a été son premier protecteur.
Comme on l’a vu ci-haut, Claude Aubin a écrit que sa relation avec James Medley a duré six ans. (126)
Si cette relation a commencé en 1986, cela veut dire qu’elle s’est terminée en 1991.
Soit l’année où ont été documentés les premiers incidents de violences sexuelles de James Medley, selon l’acte d’accusation déposé contre lui.
De deux choses : soit Claude Aubin n’a rien vu venir.
Ce qui ferait de lui un flic beaucoup moins brillant qu’il voudrait le faire croire.
Ou, plus sinistre encore, soit Claude Aubin se doutait de quelque chose mais a choisi de fermer les yeux.
Tout comme ces policiers qui venaient visiter James Medley à son appartement où ils ne pouvaient faire qu’autrement que de constater la présence de mineures.
Inutile de compter sur Claude Aubin pour une quelconque autocritique. Comme on le sait, le « flic rebelle » ne fait pas dans la fausse modestie.
Pire encore, Claude Aubin a même tenu des propos élogieux envers James Medley lorsque les médias l’ont appelé à commenter l’affaire, peu après que le procès eut permis d’apprendre que le tortionnaire sexuel était informateur de police.
Constatez par vous-même ce qu’il a déclaré à une journaliste de La Presse, en novembre 1997 :
Personnellement, je crois que James aurait voulu être un héros et qu'il aimait penser qu'il aurait fait un bon policier. C'est le genre de gars qui était prêt à tout pour sa communauté et qui aurait souhaité que tous les agents le saluent. Mais tout s'est écroulé quand je suis parti. Les autres l'avaient déjà classé : ""bandit''. (127)
Comme s’il voulait continuer à protéger James Medley.
Ou peut-être se protéger lui-même…
Claude Aubin va même jusqu’à dépeindre James Medley comme un être infantile.
« Pour lui, la différence entre le bien et le mal, c'était quand je lui faisais des gros yeux », résume-t-il. (128)
La preuve au procès suggère plutôt que James Medley était un type rusé, capable de tirer profit tant de la complaisance que la police affichait à son endroit que de la passivité des centres jeunesses.
Si Claude Aubin a critiqué publiquement son ex-protégé, il ne l’a fait que du bout des lèvres.
« James ne faisait jamais les choses à moitié : quand il désirait être bon, il se montrait vraiment très bon, mais quand il devenait mauvais, il devenait vraiment très, très mauvais... », laisse-t-il tomber. (129)
Un ami appelé Gosset
Dans son premier bouquin, ainsi que dans son plus récent ouvrage, Claude Aubin revient aussi sur une autre affaire célèbre qui avait beaucoup défrayé les manchettes à l’époque, soit l’affaire Allan Gosset, ce policier qui a abattu d’une balle à la tête Anthony Griffin, un jeune homme noir de 19 ans, dans le stationnement du poste 15, au matin du 11 novembre 1987.
À l’époque, « Allan est un ami depuis plus de dix ans », (130) écrit Aubin, qui dit être de ceux « qui connaissent la générosité et la droiture de ce gros bonhomme toujours souriant ». (131)
Aubin relate comment il a appris le décès du jeune Griffin par la bouche du lieutenant de relève du poste 15 :
- Allan a tué un bonhomme dans la cour du poste.
- Quoi ?
- C’est arrivé ce matin après ton départ… Il a répondu à un appel stupide et quand le gars a voulu s’enfuir, Allan a tiré dessus accidentellement. (132)
Les circonstances du décès d’Anthony Griffin ont été décrites dans le rapport de la Commission de police du Québec, soit l’ancêtre de la déontologie policière, qu’un militant de la CRAP a obtenu via l’accès à l’information. (133)
Précisons d’abord que « [l’]appel stupide » venait d’un chauffeur de taxi ayant transporté Anthony Griffin jusqu’à un motel où un autre individu devait lui avancer les fonds pour payer la course, dont le montant s’élevait à 28 $. L’appel au 911 a été logé après que le chauffeur de taxi eut réalisé qu’il ne serait pas payé. (134) Lorsque l’agent Gosset est arrivé sur les lieux, il a décidé d’enquêter Griffin, et ce, même si le chauffeur de taxi hésitait à porter plainte. L’enquête lui a permis d’établir que le jeune homme fait l’objet d’un mandat d’arrestation pour une histoire d’introduction par effraction. Griffin est alors mis en état d’arrestation. (135)
Une fois arrivé au poste 15, Griffin est sorti du véhicule de police « fait un pas ou deux et a commencé à courir en direction du poste », lit-on. (136)
Puisque Griffin a couru en direction du poste 15, comment peut-on alors, en pareilles circonstances, imputer à la victime une intention de se soustraire à la garde des policiers, comme on peut le lire dans le bouquin de Claude Aubin ?
« En courant, lit-on dans le rapport de la Commission de police, l’agent Gosset lui aurait crié : "Stop or I’ll shoot". L’agent Gosset nous déclare qu’Anthony Griffin a arrêté de courir : "Par petits pas en rétrogradant, se revire vers moi, y’est pas immobile, là il a les deux jambes écartées, il est penché et puis il se balade chaque côté, il se dandine, je sais pas si c’est le mot, comme un lutteur là ou un boxeur, de chaque bord, plus prononcé et puis que je le regarde, il me regarde et puis là il sait pas ce qu’il va faire" ». (137)
« "J’ai pas le temps de rien faire, le coup de feu a retenti. Le bras m’a levé puis là, ça fait une boucane. Là, je le regarde, je cherche la balle puis là je le vois puis je vois le sang qui pisse par le front et je le vois tomber sur le dos" », poursuit l’agent Gosset. (138)
Bien que l’agent Gosset ne cessera de répéter que « le coup est parti tout seul », (139) la Commission de police en arrivera plutôt à une autre conclusion. « Le projectile qui a atteint la victime a été tiré parce que l’agent Gosset a effectivement appuyé sur la gâchette », lit-on. (140)
Malgré le décès tragique du jeune Griffin, Claude Aubin ne fait aucun mystère que ses sympathies logent à l’endroit de son ami Gosset.
« Les gens de la fraternité ont mis un temps fou à intervenir. Ils n’ont pas pensé à faire voir Allan par un médecin, déplore-t-il. Rien au monde n’est plus triste que de voir un ami dans la merde sans pouvoir l’aider ». (141)
Grosse tache sur une « carrière irréprochable »
« Plus jamais mon ami ne redeviendra policier… Vingt ans d’une carrière irréprochable, qui s’achevait de façon aussi abrupte ! », se désole Aubin. (142)
Ce que Claude Aubin ne dit pas ici, c’est que son ami Gosset a avait déjà été impliqué dans un incident à caractère raciste, dans la nuit du 17 juillet 1981.
Cette nuit-là, Daniel Otchere, un homme noir originaire du Ghana travaillant dans une compagnie d’assurance et enseignant à temps partiel à l’Université Concordia, a été intercepté en voiture par l’agent Gosset et sa partenaire, la constable Monique Tremblay.
« [TRADUCTION] Le policier parlait en français et mon mari avait du mal à comprendre, alors il a essayé d'ouvrir la porte. C'est alors qu'ils l'ont pris », explique la conjointe de Daniel Otchere, qui affirme que l’agent Gosset l’a traité de « maudit nègre ». (143)
Dans une poursuite civile intentée par la Commission des droits de la personne, on peut lire que Daniel Otchere a été frappé à coups de lampes de poche à l’estomac, aux jambes et l’épaule. Le document allègue également que l’immigrant africain a souffert d’une fracture du nez et a même perdu la vue durant deux semaines suite à la violente altercation. Poursuivi pour la somme de 8100 $, l’employeur de l’agent Gosset a réglé le dossier en acceptant de verser 2450 $ à la victime. De son côté, la Commission de police du Québec a conclu que l’agent Gosset avait fait preuve de force excessive.
Claude Aubin parle d’ailleurs de l’incident dans son plus récent bouquin.
« Je devais témoigner sur un incident qui s’était passé en 1982 entre Allan et un autre Noir. J’étais son patron immédiat à l’époque. Allan avait dû maîtriser un déménageur de pianos passablement ivre, baveux et malheureusement de couleur », écrit-il. (144)
« Celui-ci avait été frappé avec la lampe de poche de service et, pendant quelques heures, il avait volontairement barbouillé la cellule de son sang en peignant à la main les trois murs. L’affaire avait fait beaucoup de bruit à l’époque. La Ville fit une offre hors cour : il y avait eu faute et celle-ci demeurait incontestable », de conclure Aubin. (145)
Durant l’hiver 2015, un militant de la CRAP a eu un échange sur Twiter avec Claude Aubin au sujet de cette affaire.
Claude Aubin s’est alors employé à nuancer la gravité de l’incident
« Il n'y a pas eu de tabassage..., prétend-il dans un tweet. Cette lampe de poche n'a servi qu'à donner un coup, un seul... »
Affirmant citer le « rapport du médecin à la com, de police », il ajoute que Daniel Otchere s’en serait tiré avec « 3 points de sutures. pas de nez cassé ».
Invité à expliquer pour l’employeur a versé plus de deux milles dollars à la victime, Claude Aubin a offert la réponse suivante : « Parce qu'ils n'ont ps de couiilles » [sic]
Leçon de solidarité pour la Fraternité
Mais revenons sur le décès d’Anthony Griffin, puisque Claude Aubin n’a pas tout dit sur le sujet. Dans son plus récent bouquin, il raconte comment il a organisé une véritable mutinerie contre son propre syndicat :
Un matin, la nouvelle tomba comme une masse : Allan Gosset coupable. J’étais à la cour ce jour-là. Je ne me retenais plus. J’appelai immédiatement la Fraternité des policiers et policières de Montréal pour savoir ce que nous allions faire. Je reçu une douche froide de la part d’un représentant, du nom de S., qui est encore aujourd’hui en place et qui continue à serpenter – le mot est bien choisi – le long des couloirs de ce qu’on appelle pompeusement la Fraternité. Signe des temps, l’édifice est désert.
- Écoute ! Si on demandait à tout le monde de rapporter l’arme de service au quartier général ? Et si on portait une crêpe noire en signe de deuil ? Je ne sais pas moi : il faut faire quelque chose.
- C’est une vieille histoire : tu n’auras pas dix gars pour te suivre. Il a été jugé. Il n’y a plus grand-chose à faire.
Je suis en colère. Je ne trouve pas de mots pour décrire ce que je ressens. Alors je me mets en branle. J’organise une réunion avec tous les policiers qui sont autour de moi et je leur demande de téléphoner à la Fraternité pour demander une réaction.
« N’oubliez pas. Si un jour vous êtes dans une position semblable, pensez que c’est de cette façon que vous serez protégés ! »
Je n’arrête pas de discourir. Tous ceux qui sont à ma portée se ramassent au téléphone et occupent les lignes de la Fraternité. Je fais appeler les policiers de mon poste et d’autres enquêteurs font de même.
Quelques heures plus tard, plus rien ne fonctionne dans les bureaux de la rue Gilford. En même temps, sans que je le comprenne bien, se fomente un mini-coup d’État. Des adversaires politiques veulent faire voter une motion de non-confiance envers les dirigeants. Un autre enquêteur s’approche pour élaborer les plans d’une campagne de soulèvement.
Sans le savoir, j’ai donné naissance à un monstre incontrôlable. Quand je retourne au bureau, mes hommes sont déjà en train de parler de grève et d’actions locales.
Un autre enquêteur, Gilles celui-là, me tend l’appareil avec un petit sourire en coin.
- Oui.
- Aubin arrête ça tout de suite.
- Arrêter quoi ?
- Toutes les lignes sont occupées à la Fraternité. Les téléphonistes sont débordés et n’en peuvent tout simplement plus. Demande aux gars d’arrêter.
- Tu as envie de me dire que j’ai plus de 10 gars derrière moi, mon S. ! Bien c’est ça. Là vous allez être obligés de vous grouiller le cul ! Tu devrais savoir qu’il ne faut pas me défier.
L’autre ne répond pas. Je sais bien qu’il est en colère. Mais Allan est mon ami et j’imagine qu’il se sent bien seul en ce moment.
Dès le lendemain, la Fraternité enverra une belle lettre de protestation rassurant tout le monde. Le coup d’État ne se fera pas. Et tout ce beau monde sauvera son job. (146)
Précisons d’abord une chose.
L’agent Gosset a subi deux procès devant jury, où il devait répondre d’accusations d’homicide involontaire et de négligence criminelle en lien avec le décès d’Anthony Griffin. Et à chaque coup, il a été acquitté. Notons que le jury, lors des deux procès, était composé à 100 % de Blancs. (147)
Pourquoi alors Claude Aubin est-il grimpé dans les rideaux ?
Le fidèle copain de Gosset a probablement voulu faire référence à la décision rendue par la Commission de police du Québec, en juin 1988, laquelle recommandait au directeur du Service de police « de destituer l’agent Allan Gosset ». (148)
L’hypothèse est d’autant plus valable que la Fraternité est effectivement intervenue devant les médias pour dénoncer la décision de la Commission, en dépeignant par ailleurs le policier qui a tué Anthony Griffin comme une « [TRADUCTION] victime de la fureur populaire ». (149)
La Cour supérieure ordonnera éventuellement au service de police de réintégrer l’agent Gosset dans ses rangs, après une bataille judiciaire d’un an et demie. (150)
En octobre 1996, la Cour suprême du Canada a affirmé que la mère du jeune Griffin devrait avoir droit à un dédommagement de 25 000 $ pour le préjudice moral qu’elle a subi en raison du décès de son fils. (151)
Pas raciste, mais…
Le thème sensible du racisme revient par ailleurs à différentes occasions dans les bouquins de Claude Aubin.
« Personne de la police, du moins dans mon secteur, ne se préoccupait de la communauté noire. Sauf pour quelques descentes dans le quartier de la Petite-Bourgogne. Comme le disait souvent un officier qui deviendra quelques mois plus tard un haut gradé et qui changera radicalement de discours : "Let’s get those fucking niggers !" », écrit l’ex-policier. (152)
À lire Claude Aubin, il semble que la communauté noire lui donne particulièrement beaucoup de fil à retordre.
« Je dois m’occuper d’une violence conjugale, relate-t-il. Toujours difficile à gérer. Surtout dans un secteur plus coloré de la ville, pour ne pas dire noir. Il nous faut d’abord franchir la première barrière, celle du racisme inversé. Avec la régularité de l’horloge, nous nous faisons bousculer et insulter par ceux-là même que nous venons protéger ». (153)
Mais n’allez surtout pas traiter Claude Aubin de raciste.
« J’en ai ras-le-bol de me faire traiter de raciste, fouille-merde et le reste, peste Aubin. Noir ou Blanc, un bandit reste un bandit ! » (154)
Après tout, si Claude Aubin était raciste, comment aurait-il pu faire preuve d’autant de sollicitude envers James Medley, lequel était Noir ?
Si Claude Aubin semble convaincu de ne pas être raciste, un passage particulier de son plus récent bouquin a de quoi laisser plutôt perplexe.
« Nous avons tous notre petite réserve de photos. Je dois bien en avoir plus de 600, dont 90 % de personnes de couleur noire. C’est aussi mon tableau de chasse. À chaque arrestation, je prends quelques photos et une autre, officielle, avec un joli numéro », écrit-il. (155)
Voilà qui explique sans doute pourquoi Claude Aubin écrit qu’il est « devenu par la force des choses le spécialiste de la négritude dans le secteur »… (156)
Lorsqu’il a été invité à expliquer sur Twitter pourquoi sa réserve de photos était composée de « 90 % de personnes de couleur noire », l’ex-policier a choisi de mettre fin à la discussion en bloquant le militant de la CRAP au lieu de répondre à la question.
Finalement, Claude Aubin n’était pas un flic si cool que ça.
Sources :
- Photo Police, janvier 2015.
- http://quebec.huffingtonpost.ca/claude-aubin/
- http://www.claudeaubin.com/
- AUBIN Claude, « La main gauche du diable », Les Intouchables (2003), p. 9.
- Id., p. 165.
- AUBIN Claude, « Le lansquenet solitaire », Textes et contextes (2014), p. 127.
- Fifth Estate - CBC Television, January 13 1998.
- The Gazette, “Swift justice raises questions”, Lynn Moore, April 16 2001, p. A3.
- Op. cit., « La main gauche du diable », p. 279.
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », 265.
- Id., p. 185.
- Id., p. 130.
- Id., p. 207.
- Id., p. 208.
- AUBIN Claude, « La nuit des désillusions », Libre édition (2011), p. 14.
- Id., p. 37.
- Id., p. 42.
- Id., p. 112.
- Id., p. 19.
- Id., p. 24-25.
- Id., p. 25.
- Id., p. 30.
- NADEAU, Jean-François, « Bourgault », Lux Éditeur (2007), p. 297-298.
- PURCELL Susan, McKENNA Brian, « Jean Drapeau », Stanké (1981), p. 210.
- Op. cit., « La nuit des désillusions », p. 45.
- Id., p. 39.
- Id., p. 40.
- Id., p. 50.
- Id., p. 51.
- Idem.
- Id., p. 52.
- Id., p. 53.
- Idem.
- Idem.
- Id., p. 57.
- Idem.
- Id., p. 58.
- Id., p. 61.
- Idem.
- Le Devoir, « La violence éclate rue Sherbrooke », Louis-Martin Tard et Jean-Claude Leclerc, 25 juin 1968.
- Op. cit., « La nuit des désillusions », p. 67.
- Id., p. 68-71.
- Id., p. 103.
- Id., p. 75.
- Idem.
- Id., p. 97.
- Id., p. 120.
- Id., p. 121.
- Id., p. 132.
- Id., p. 107.
- Id., p. 136-137.
- Id., p. 140.
- Id., p. 13.
- Idem.
- Id., p. 150.
- Id., p. 149.
- Op. cit., Purcell et McKenna, p. 210-211.
- Le Devoir, « L'émeute qui a transformé la Saint-Jean-Baptiste en fête nationale », Jean-Claude Germain, 21 juin 2003, p. F4.
- http://moisemarcouxchabot.com/la-memoire-de-la-repression-du-printemps-au-lundi-de-la-matraque/
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », p. 94.
- Op. cit., « La main gauche du diable », p. 17.
- Idem.
- Id., p. 89.
- Idem.
- Id., p. 284.
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », p. 263.
- Id., p. 13.
- Op. cit., « La main gauche du diable », p. 89.
- Id., p. 96.
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », p. 165.
- Id., p. 231.
- Op. cit., « La main gauche du diable », p. 165-166.
- Id., p. 287.
- Id., p. 315.
- Id., p. 338-339.
- Id., p. 340.
- Id., p. 359-360.
- Id., p. 153.
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », p. 331.
- La Presse, « Le policier suspendu réintègre le SPCUM », Hugo Dumas, 4 novembre 1998, p. A3.
- La Presse, « Le policier filmé mis en accusation », Hugo Dumas, 26 novembre 1998, p. A3.
- La Presse, « Richard Lesiège l'a échappé belle », Yves Boisvert, 10 juin 1999, p. A4.
- Commissaire à la déontologie policière c. Lesiège, 2000 CanLII 22237 (QC CDP).
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », p. 332.
- Op. cit., « La main gauche du diable », p. 357.
- Id., p. 397.
- Id., p. 136.
- Id., p. 138.
- Idem.
- Id., p. 139.
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », p. 159.
- Id., p. 60.
- Op. cit., « La main gauche du diable », p. 41.
- Id., p. 41.
- Id., p. 43.
- Id., p. 45.
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », p. 119.
- Op. cit., « La main gauche du diable », p. 134.
- Id., p. 135.
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », p. 255.
- Idem.
- Op. cit., « La main gauche du diable », p. 135.
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », p. 61.
- Id., p. 119.
- Op. cit., « La main gauche du diable », p. 135.
- La Presse, « Arrestation d'un trio infernal », Éric Trottier, 26 octobre 1996, p. A3.
- La Presse, « Un test d'ADN confirme les prétentions d'une adolescente victime de torture », Marie-Claude Malboeuf, 18 octobre 1997, p. A30.
- La Presse, « Jeune femme asservie pendant plus de trois ans par Medley », Marie-Claude Malboeuf, 21 octobre 1997, p. A3.
- La Presse, « Une victime de James Medley raconte ses 16 jours d'enfer », Yves Boisvert, 16 octobre 1997, p. A3.
- La Presse, « Medley et Gonzalez reconnus coupables », Marie-Claude Malboeuf, 12 novembre 1997, p. A1.
- La Presse, « Une peine de 27 ans pour James Medley », Yves Boisvert, 18 décembre 1997, p. A5.
- Idem.
- Op cit., Fifth Estate.
- The Globe and Mail, “3 arrested in loss of police data”, Tu Thanh Ha, April 13 2001 12:00AM EDT Last updated Saturday, Mar. 21, 2009 9:52AM EDT.
- La Presse, « Le juge met sous scellés la vidéo porno déposée au procès Medley », Marie-Claude Malboeuf, 23 octobre 1997, p. A4.
- The Gazette, “Trio held in sex-torture of girls”, Albert Noel, Jonathon Gatehouse, Jeff Heinrich, October 26 1996, p. A1.
- La Presse, « Le violeur James Medley a piégé des dizaines d'adolescentes », Marie-Claude Malboeuf, 13 novembre 1997, p. C1.
- Op. cit., Fifth Estate.
- Op. cit., La Presse, 13 novembre 1997.
- La Presse, « Un témoin fond en larmes en visionnant une vidéo porno au procès Medley », Marie-Claude Malboeuf, 22 octobre 1997, p. A3.
- La Presse, « James Medley : un paradoxe ambulant », Marie-Claude Malboeuf, 12 novembre 1997, p. A16.
- Maclean's, “Teenage horror”, Brenda Branswell, November 24 1997.
- Op. cit., La Presse, 23 octobre 1997.
- Op. cit., Fifth Estate.
- Op. cit., La Presse, 12 novembre 1997, p. A16.
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », p. 119.
- Op. cit., La Presse, 12 novembre 1997, p. A16.
- Idem.
- Idem.
- Op. cit., « La main gauche du diable », p. 95.
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », p. 254.
- Op. cit., « La main gauche du diable », p. 97.
- Commission de police du Québec, « Rapport d’enquête sur la conduite de l’agent Allan Gosset, mat. 2283, membre du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, lors d’un événement survenu à Montréal, le ou vers le 11 novembre 1987, au cours duquel Anthony Griffin fut blessé mortellement », Dossier numéro P-87-3671, 6 juin 1988.
- Id., p. 24-26.
- Id., p. 30-32.
- Id., p. 33.
- Idem.
- Id., p. 33-34.
- Le Journal de Montréal, « À son procès, Gosset l'affirme plusieurs fois - "Jamais je n'ai eu l'intention de tirer sur Griffin" », Claude Decotret, 18 février 1988, p. 7.
- Op. cit., p. 7.
- Op. cit., « La main gauche du diable », p. 97-98.
- Id., p. 102.
- The Gazette, “Suspended officer in trouble before”, Ingrid Peritz, Peggy Curran, Eloise Morin, November 13 1987, p. A1.
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », p. 259.
- Id., p. 260.
- Id., p. 257-259.
- The Gazette, “Remembrance Day shooting has made waves for 6 1/2 years”, James Mennie, April 9 1994, p. A5.
- Op. cit., p. 40.
- The Gazette, “Board says Gosset should be fired”, James Mennie, July 1 1988, p. A1.
- La Presse, « La police réintègre Gosset », Bruno Bisson et Yves Boisvert, 3 novembre 1989, p. A1.
- Augustus v. Gosset, 1990 CanLII 3831 (QC CS).
- Op. cit., « Le lansquenet solitaire », p. 95.
- Id., p. 216.
- Id., p. 128-129.
- Id., p. 136.
- Op. cit., « La main gauche du diable », p. 146.