Question de tirer des leçons des décès, la Loi sur la recherche des causes et circonstances des décès permet au coroner de formuler des recommandations visant une meilleure protection de la vie humaine.
Le Bureau du coroner ne dispose toutefois d’aucun pouvoir de contrainte pour obliger les organismes publics à mettre en œuvre des recommandations qui leur auront été adressés dans un rapport d’enquête ou d’investigation.
Les recommandations d’un coroner n’ayant pas force de loi, leur mise en application est donc entièrement laissée au bon vouloir des organismes publics qui en font l’objet.
Dans ce contexte, il y a lieu de se questionner sur le sort que connaissent ces recommandations une fois la poussière retombée.
Les organismes publics visés par ces recommandations sont-ils plus portés à les mettre en œuvre ou à s’en laver les mains ?
Afin d’en avoir le cœur net, un militant de la CRAP a adressé des demandes d’accès à l’information à divers organismes dans le but trouver réponse à la question suivante : les recommandations du coroner, kosse ça donne ?
Dans ce deuxième texte d’une série de trois, nous examinerons quel suivi a été accordé aux vingt-huit recommandations que la coroner Anne-Marie David a formulée dans son rapport d’enquête sur les causes et circonstances du jeune Martin Suazo.
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Le 31 mai 1995, Martin Omar Suazo, 23 ans, a été abattu d’une balle dans la tête sur le boulevard Saint-Laurent, à Montréal, par l’agent Michel Garneau, matricule 3929, du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal (SPCUM), aujourd’hui appelé Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
La mort du jeune Suazo, d’origine péruvienne, a soulevé l’indignation de plusieurs membres de la communauté latino-américaine au Québec.
Voilà qui explique sans doute pourquoi le coroner en chef du Québec, Pierre Morin, a ordonné la tenue d’une enquête publique, désignant ainsi la coroner Anne-Marie David pour faire toute la lumière sur les causes et circonstances sur le décès du jeune Suazo.
L’enquête publique s’est tenue au Palais de justice de Laval et a nécessité vingt-deux journées d’audition lors desquelles trente-six témoins, dont quatre témoins experts, ont été entendus alors que quarante-trois pièces ont été déposées en preuve.
Le 5 novembre 1997, la coroner David a complété son rapport d’enquête de 147 pages, qui contient un total de vingt-huit recommandations à l’endroit des corps policiers du Québec, du ministère de la Sécurité publique et de l’Institut de police du Québec (IPQ), aujourd’hui rebaptisé École nationale de police du Québec.
Pour bien comprendre la nature de certaines des recommandations formulées dans le rapport de la coroner David, il est nécessaire de se familiariser avec les circonstances du décès de Suazo.
Lorsque Suazo a été intercepté par la police, sur le boulevard St-Laurent, il était passager dans une voiture dont les occupants étaient soupçonnés d’avoir pris part à un vol raté dans une boutique de vêtements situé près de l’intersection des rues Ste-Catherine et Jeanne-Mance.
Le constable Garneau, qui a participé à l’interception du véhicule, tenait son arme à feu dans sa main droite pendant qu’il empoignait Suazo par sa chemise à l’aide de sa main gauche. Bien qu’il n’avait pas pris la décision de faire feu, le policier Garneau a posé l’index sur la détente de son arme, et non sur le pontet, allant ainsi à l’encontre de ce que le SPCUM préconisait dans le cours « Technique d’intervention policière » qu’il prodiguait à ses effectifs depuis février 1995.
C’est donc dans ce contexte que l’agent Garneau a tiré un coup de feu dans la tête de Suazo, qui n’était pas armé, lequel a rendu l’âme le lendemain sur un lit d’hôpital.
Notons que l’agent Garneau s’est vu imposer une sanction de 45 jours de suspension par le Comité de déontologie policière après avoir reconnu qu’il avait dérogé à l’article 11 du Code de déontologie des policiers du Québec en n’ayant pas utilisé son arme de service avec prudence et discernement à l’égard de feu Martin Omar Suazo.
La formation policière, notamment la formation par simulation, a longuement été scrutée à la loupe lors de l’enquête publique, que ce soit l’entrainement dispensé aux futurs policiers à l’IPQ ou celui prodigué au SPCUM chez ses propres policiers dans la cadre de la formation continue.
« Un policier non formé, insuffisamment formé, non entraîné ou insuffisamment entraîné peut créer des opportunités dangereuses voire mortelles pour le citoyen spectateur, pour le citoyen en état d'arrestation, pour ses collègues ou pour lui-même », note la coroner David pour illustrer l’importance de la formation en milieu policier.
Or, l’agent Garneau, de même que tous autres les policiers impliqués dans l’intervention policière fatidique, ont unanimement déclarés à la coroner David que la formation qu’ils avaient reçus, tant à l’IPQ qu’au sein du SPCUM, ne les avaient pas bien préparés pour ladite intervention.
« La formation reçue à l'IPQ et la réponse régulièrement reçue lorsqu'ils demandaient ce qu'ils devaient faire devant des suspects qui ne collaborent pas, soit "Faites de votre mieux", ne les ont pas préparés à l'intervention du 31 mai 1995 », remarque la coroner David.
En outre, tous les policiers impliqués ont unanimement déclarés à la coroner David qu’ils dégainaient en ayant l’index sur la détente lors des pratiques de tir au SPCUM, et non sur le pontet, et que personne ne leur avait adressé de remarque à ce sujet.
Notons que certaines recommandations de la coroner David ont été directement inspirés par les propos tenus par certains témoins-experts entendus durant l’enquête publique.
Ainsi, la coroner David a retenu les suggestions de Ghislain Raymond, expert en formation policière au Collège canadien de police, à l’effet de prévoir une certification annuelle obligatoire en matière d’usage de la force, le retrait de l’arme de service lorsque la certification annuelle se solde par deux échecs consécutifs, le port obligatoire de la veste pare-balles pour les policiers en devoir et lors des pratiques de tir, et la remise d’un petit carton illustrant le continuum de la force en format de poche à l’ensemble des policiers québécois, à l’instar de ce qui se fait en Ontario et en Colombie-Britannique.
La coroner David a de plus retenue la suggestion de Pierre Rémillard, ancien professeur de techniques policières, à l’effet de tenir une rétroaction – discussion de groupe lors de laquelle des policiers reviennent sur un événement qu’ils ont vécus ensemble – systématique suite à chaque événement lors duquel un coup de feu a été tiré par un policier
Dans son rapport, la coroner David a conclu que la rétroaction du 15 septembre 1995 « n'était pas une rétroaction rigoureuse et systématique », notamment en raison du fait qu’elle s’est tenue en l’absence du principal intéressé, l’agent Garneau.
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En ce qui concerne le suivi des recommandations, nous avons d’obtenus deux documents de la police de Montréal, l’un daté du 23 novembre 1998 et l’autre de 2010, comportant respectivement 9 et 16 pages, traitant du suivi effectué par ce corps policier relativement aux recommandations de la coroner David.
(Notons que ces deux documents sont devenus accessibles au public après avoir été déposés en preuve à l’enquête du coroner André Perreault sur le décès de Fredy Villanueva).
Nous avons également obtenu, via l’accès à l’information cette fois-ci, un document daté du 17 décembre 1997 de l’IPQ comptant 21 pages et signé par la directrice générale de l’organisme au moment des faits, Louise Gagnon-Gaudreau, ainsi qu’une lettre datée 7 janvier 1998 du directeur général de la Sûreté du Québec de l’époque, Guy Coulombe.
À cela s’ajoute trois documents obtenus du ministère de la Sécurité publique, également via l’accès à l’information, soit :
- une lettre datée du 10 février 1998 du sous-ministre associée à la direction générale de la sécurité et de la prévention du ministère de la Sécurité publique, Charles Côté, adressé au sous-ministre Florent Gagné, du même ministère;
- une lettre datée du 13 février 1998 du sous-ministre du ministère de la sécurité publique, Florent Gagné, adressée au coroner en chef Pierre Morin;
- et une lettre datée du 8 mars 2002 du directeur de la direction des affaires policières et de la prévention de la criminalité du ministère de la Sécurité publique, Daniel St-Onge, adressée au président du Comité de révision sur le Guide de pratiques policières de l’Association des directeurs de police du Québec, Yvon Michaud.
Une demande d’accès à l’information a également été envoyée à la Sûreté du Québec pour obtenir tout document relatif au suivi effectué par ce corps policier relativement aux recommandations de la coroner David dans l’affaire Suazo.
Dans une lettre datée du 29 octobre 2014, le capitaine Guy Léger de la SQ écrit cependant ne détenir « aucun document répondant spécifiquement à [la] demande [d’accès] ».
(Ce qui signifierait que la SQ ne serait pas en possession de la lettre signée par son propre directeur Coulombe que nous avons obtenu auprès du Bureau du coroner…)
Dans son document daté du 17 décembre 1997, l’IPQ a procédé à l’analyse des conclusions du rapport d’enquête de la coroner David. « L’analyse de ces recommandations est importante puisque ces dernières articulent la formulation des recommandations finales », indique-t-on.
L’IPQ a ainsi identifié trois énoncés de la conclusion particulière aux événements qui « ne reflète[nt] pas la réalité en 1997 ».
« Ainsi, contrairement aux conclusions du rapport d’enquête, l’enseignement offert à l’Institut s’articule massivement autour des simulations », lit-on, ajoutant qu’il n’est « pas approprié d’affirmer que "la majorité des étudiants sont spectateurs lors des simulations" ».
Par ailleurs, l’IPQ rejette l’affirmation de la coroner David voulant que l’environnement d’apprentissage se situe « dans un environnement vierge de toute problématique où il y a des suspects serviles ». Selon l’IPQ, « le recours à des comédiens professionnels ajoute aux scénarios une dimension très réaliste où les suspects ne sont pas, de toute évidence, toujours très serviles ».
En fait, l’IPQ semble avoir du mal à cacher son irritation face aux conclusions et recommandations de la coroner David, comme en fait foi l’extrait ci-dessous :
Pour l’Institut, le dépôt du rapport d’enquête du Coroner en regard du décès de monsieur Suazo soulève une problématique. De fait, plusieurs conclusions et recommandations s’adressent directement à lui. Là où le bât blesse, c’est lorsque l’on considère que la rédaction desdites conclusions et recommandations s’est effectuée sur la base des témoignages de MM. Charland et Bélanger, recueillis en date du 16 octobre 1996; période qui coïncidait avec le dépôt de « l’Étude préliminaire à la révision du programme de formation policière de base de l’Institut de police du Québec ». Le dépôt de cette étude préliminaire devait successivement conduire à l’élaboration du « Plan d’action de l’automne 1996 » décrivant les étapes de travail menant au développement du « Nouveau programme de formation policière de base de l’Institut » (se référer à l’annexe A). Les efforts engagés dans ce processus de révision du programme de formation de base ont finalement pris forme le 5 mai 1997; date d’entrée de la première promotion d’aspirants formés selon le nouveau programme et « l’approche par compétences ».
La problématique soulevée par le dépôt du rapport d’enquête sur « l’affaire Suazo » tient donc du fait que certaines des conclusions et des recommandations qui y sont formulées ne tiennent pas compte de l’évolution qu’ont subie les programmes de formation policière de l’Institut au cours des deux dernières années.
L’idée, ici véhiculée, n’est certes pas de dévaluer la qualité dudit rapport d’enquête, mais bien :
- De procéder à une mise à niveau des informations en ce qui a trait à la formation des policiers québécois;
- De même qu’à l’identification des recommandations ayant déjà fait l’objet d’une mise en application et de celles devant toujours être considérées.
Des reproches similaires ont également formulés dans la lettre datée du 13 février 1998 du sous-ministre du ministère de la sécurité publique, Florent Gagné :
En définitive, bien que l’analyse des événements ayant mené au décès de M. Martin Omar Suazo ait manifestement été effectuée de manière rigoureuse, les recommandations auxquelles elle a donné lieu ne semblent pas avoir toujours été émises en tenant compte des structures et des procédures déjà en place.
Conséquemment, il y aurait peut-être lieu d’inviter l’ensemble des coroners à prendre connaissance des travaux réalisés par les services du ministère de la Sécurité publique ainsi que des mandats des différents comités auxquels ils participent en partenariat avec les organisations policières et l’Institut de police du Québec. À ce propos, si vous le jugez approprié, une rencontre pourrait avoir lieu avec des représentants du Service des affaires policières afin de permettre aux coroners d’avoir une meilleure vue d’ensemble des activités ministérielles et d’évaluer avec justesse les démarches déjà effectuées auprès de la communauté policière.
Notons que durant l’enquête publique, la coroner David a entendu deux représentants de l’IPQ, soit Robert Charland et Ronald Bélanger, témoigner notamment au sujet de l’enseignement prodigué aux futurs policiers en 1982 – année où l’agent Garneau a été formé – en 1988 et lors des années subséquentes, de même que celle dispensée au moment de la tenue des audiences.
Maintenant, nous allons prendre connaissance de chacune des vingt-huit recommandations, suivi des commentaires qu’elles ont suscités chez des organismes qui en faisait l’objet, le cas échéant.
- Que des représentants de tous les corps policiers du Québec élisent les membres d’un comité formation/entrainement/certification (ci-après appelé « Comité »);
Dans son document, l’IPQ souligne que le comité auquel fait allusion la coroner David a été mis en place bien avant la tenue l’enquête publique sur le décès du jeune Suazo :
En juin 1994, l’Institut sollicitait du Ministère de la Sécurité publique la mise sur pied d’un Comité ministériel ayant pour mission d’établir un consensus sur les techniques d’intervention physique à enseigner par l’Institut et à utiliser par les services de police dans le cadre de leurs opérations. Jadis, ce besoin se faisait sentir tout particulièrement à l’égard de certaines techniques d’intervention physique telles que la technique de contrôle par l’encolure, dont l’utilisation ne faisait pas l’unanimité au sein de la communauté policière.
Le « Comité sur les techniques d’intervention » fut constitué en août 1994. Il a le mandat d’évaluer les techniques d’intervention et de formuler des recommandations concernant celles qui devraient être enseignées en formation policière. Ses membres sont :
M. Lorrain Audy – Association des directeurs de police et pompiers du Québec (ADPPQ); M. Jacques Carle – Institut de police du Québec (IPQ); M. Ronald Bélanger – Institut de police du Québec; Dr. André Lauzon – Laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale (LSJML – MSP); M. Robert Nantel – Service de police de la Communauté urbaine de Montréal (SPCUM); M. Henri William – Service de police de la Communauté urbaine de Montréal; M. Yves Leblanc – Sûreté du Québec (SQ); M. André Péloquin – Association des directeurs de police et pompiers du Québec; Me Étienne Beaudoin – Direction des affaires policières et de la Sécurité incendie (DAPSI- MSP).
Dans son document de 1998, le SPCUM fait une remarque semblable :
Le Service de police de la CUM fait déjà partie d’un comité qui a été mis sur pied à la demande du Ministre de la Sécurité publique suite aux événements qui ont amené à l’arrestation de monsieur Richard Barnabé. Il s’agit d’un comité provincial sur les techniques d’intervention physique qui regroupe des représentants de l’Institut de police du Québec et de certaines organisations policières, telles que la Sûreté du Québec, la Gendarmerie royale du Canada et certains services de police municipaux. De ce comité est né un sous-comité sur les standards de tir qui s’est défini comme objectifs de travail de réviser les normes minimales de formation policière de base et les comportements nécessaires à la formation policière relatifs à l’utilisation de l’arme de service, d’élaborer un processus de contrôle uniforme de la maintenance de ces acquis et un deuxième sous-comité sur les techniques à mains nues à être enseignées et utilisées par les policiers du Québec. Les deux (2) sous-comités sont représentés par la Section formation du SPCUM.
« La Sûreté du Québec siège déjà sur un comité paritaire avec l’Association des policiers et policières provinciaux du Québec (A.P.P.Q.) relativement à la formation de ses membres, note quant à lui Michel Coulombe, directeur de la SQ. Ce comité analysera les recommandations afin de voir leur mise en application ».
- Que les membres du Comité aient une expertise en formation et en opération policières.
Dans son document de 2010, le SPVM commente cette recommandation en écrivant que « c’est le cas en ce qui concerne les deux personnes » siégeant sur les comités « dispositif à impulsions » et consultation sur la conception de la formation en matière de foule, respectivement l’inspecteur-chef François Houle et le sergent Roger Bujold.
- Que le Comité, en collaboration avec l’IPQ, précise pour les techniques d’utilisation de la force et pour la prise de décision qui devront être incluses dans le programme de formation régulière de l’IPQ :
- Les éléments de base que l’on doit retrouver dans le contenu de la formation par simulations avec des suspects coopératifs et non coopératifs ainsi que dans le contenu de l’entraînement par simulateur ;
- L’expertise minimale obligatoire pour les personnes qui dispenseront la formation et superviseront l’entraînement ;
- La durée minimale utile pour dispenser ladite formation et ledit entraînement.
Encore une fois, l’IPQ fait valoir que cette recommandation a également déjà mise en œuvre :
Nous considérons qu’une bonne partie du travail qui découle de l’application de la troisième recommandation du Coroner a été accomplie lors de la révision du programme de formation policière de base (septembre 1996 – mai 1997). En effet, cette révision avait engendré des modifications profondes menant à la création d’un nouveau programme de formation policière selon l’approche par compétences. […] Enfin, notons qu’à l’Institut, l’expertise minimale requise pour enseigner les techniques d’intervention physique est une ceinture noire dans une discipline d’arts martiaux, une connaissance spécifique de chacune des techniques particulières au travail policier et un baccalauréat en activité physique.
De son côté, le SPCUM écrit ceci dans son document de 1998 :
Nous sommes d’accord avec cette recommandation. Nous croyons que les policiers en formation doivent être confrontés à des scénarios et à des simulations les plus réalistes et les plus fidèles à ce qu’ils sont susceptibles de rencontrer. Le personnel qui dispensera et supervisera cette formation doit détenir une très bonne expertise en ce domaine. Le temps requis doit être alloué à chaque policier pour qu’il puisse être confronté à un nombre de simulations et de situations nécessaires afin qu’il devienne habile à maîtriser la force telle que nous le pratiquons au SPCUM dans le cours « Survivre dans la rue », dans lequel le policier est confronté à des mises en situations vécues tels : l’affaire Suazo, l’affaire Barnabé, fusillade Longueuil, etc…
Le mandat principal du « Comité » proposé par la coroner Anne-Marie David recoupe sensiblement les travaux du comité provincial actuel sur les techniques d’interventions physiques. Ce dernier pourrait voir son mandat redéfini pour travailler sur les sujets recommandés par madame David. Les membres de ce comité provincial ont à notre avis une expertise en formation et en opérations policières.
- Que le Comité, en collaboration avec l’IPQ, fasse de même pour les techniques d’utilisation de la force et pour la prise de décision qui devront être incluses dans la formation continue des policiers.
« Au SPCUM, le cours "Survivre dans la rue" (intervention du patrouilleur et immobilisation de véhicule à haut risque) répond à la majorité des recommandations du coroner soit les rôles et positionnements lors des interventions et interceptions sécuritaires de véhicules à haut risque », lit-on dans le document de 1998 du SPCUM.
Dans son document de 2010, le SPVM fait l’énumération des différents cours offerts à ses policiers dans le cadre de la formation continue, tout en soulignant la mise sur pied d’une « communauté de pratique » sur l’usage judicieux de la force par l’assistant-directeur Marc Parent (aujourd’hui directeur du SPVM).
- Que l’entraînement par simulateur :
- Se fasse à l’aide de simulateurs permettant des scénarios interactifs.
- Soit supervisé par une personne formée pour obtenir un rendement maximal du simulateur.
L’IPQ a commenté cette recommandation de la façon suivante :
Pour l’institut, la nouvelle façon de faire a nécessité l’acquisition de nouveaux équipements pour l’enseignement des compétences. Parmi ces acquisitions figurent un simulateur de tir : le système FATS II.
Un cadre pédagogique qui utilise le simulateur de tir, en recréant virtuellement une certaine réalité, s’intéresse à la fois au comportement de l’utilisateur et à l’application des techniques apprises au cours de sa formation. Le cadre pédagogique, qui s’articule autour de cet outil technologique, génère une activité de synthèse qui permet au formateur bien outillé de détecter les forces et les faiblesses des participants, tant au niveau technique que comportemental. Les scénarios virtuels et interactifs permettent essentiellement au formateur de positionner le policier dans une situation quasi-réelle afin d’observer la transposition des éléments de formation reçus. […] M. Jean-Luc Gélinas, instructeur à l’Institut, est actuellement le seul formateur au Québec apte à utiliser le simulateur de tir dans un contexte d’activité de synthèse en formation policière.
De son côté, le SPCUM écrit ce qui suit dans son document de 1998 :
Nous sommes en parfait accord pour des entraînements sur simulateur, puisque nous avons fait l’acquisition en 1996 d’un simulateur « CAPS », mais il ne s’agit pas d’un instrument permettant des scénarios interactifs. L’interaction sur simulateur ne répondait pas nécessairement à nos besoins, puisque de réelles simulations avec personnes vivantes sont conçues et vécues à Demix, l’un de nos centres d’entraînement au SPCUM.
Les principales raisons de notre choix pour un simulateur à scénarios non interactifs étaient nombreuses. Premièrement, comme on l’a mentionné ci-haut, des scénarios « interactifs vivants » sont déjà mis à la disposition de nos policiers à Demix. Le système CAPS, contrairement aux autres systèmes prend peu de temps à installer, il est facilement transportable d’une salle de tir à une autre et est d’une utilisation facile. De ce fait, nous sommes en mesure de concevoir nos propres scénarios selon notre contexte et nos besoins.
Notre simulateur sera jumelé à un programme de formation (survivre dans la rue) afin de développer et entretenir les compétences en utilisation de la force et en tir.
Puis, dans son document de 2010, le SPVM apporte les mises à jour suivantes :
Depuis fin 2008 et début 2009, nous avons fait l’acquisition de cinq (5) simulateurs) (AIS Prism) qui a été intégré à la qualification de tir. Il y a un simulateur dans chacune de 4 salles de tir et le cinquième est situé au Centre d’entraînement. En plus d’être intégré dans la formation qualifiante en tir, nous l’utilisons également auprès des unités spécialisées telles que le GTI, GI et les enquêtes. De plus nous les utilisons dans la formation SIPAC (superviser intervention en approche Coaching) et FICO (Formation initiale en commandement opérationnel).
- Que l’IPQ dispose de davantage de simulateurs d’entraînement.
L’IPQ a accueilli cette recommandation avec une certaine dose de scepticisme :
La technologie n’est pas une fin en soi mais bien un moyen, un outil. Le recours au simulateur est effectivement un bon moyen, une bonne activité de synthèse, pour développer des compétences. […] Somme toute, il faut, en plus de posséder l’outil, posséder la pédagogie qui l’accompagne sans quoi, l’inutilité des investissements fera surface.
L’acquisition d’un simulateur est très couteuse. Le coût d’un simulateur de type FATS III est d’environ 150 000$. Mais, à cet investissement d’argent important se greffe un investissement en temps tout aussi important afin de former adéquatement les enseignants. L’institut reconnaît l’utilité des simulateurs et, par le fait même, la recommandation du Coroner. Toutefois, dans un contexte de compressions budgétaires, l’Institut tient à souligner l’importance des implications monétaires soulevées par ladite recommandation. Il se dit toutefois prêt à collaborer avec le Ministère de la Sécurité publique et les organisations policières qui subventionnent le dossier.
- Que l’IPQ ajuste son programme de formation régulière et continue en fonction des précisions du Comité et augmente la durée de ladite formation si nécessaire.
Réagissant à cette recommandation, l’IPQ écrit ce qui suit :
D’emblée, l’Institut supporte et collabore, par l’entremise de ses experts, aux travaux du Comité sur les techniques d’intervention physique. Dans un tel contexte, il est évident que les recommandations de ce dernier sont prises en considération et intégrés au niveau des programmes de formation.
- Que les corps policiers du Québec, qui dispensent une formation continue, ajustent leur formation annuelle obligatoire en fonction des précisions du Comité et augmentent la durée de ladite formation si nécessaire.
« Nous réévaluons les contenus de nos cours en fonction des recommandations des coroners et des enquêteurs ainsi que suite à des rétroactions lors d’événements majeurs sur le territoire et ailleurs. Nous sommes en accord pour un ajustement annuel de notre formation, en fonction de nos besoins selon les recommandations du Comité », écrit le SPCUM dans son document de 1998.
- Que les corps policiers du Québec, qui ne dispensent pas de formation continue, voient à ce que leurs membres s’inscrivent annuellement à un programme de formation continue répondant aux précisions du Comité.
« La Section formation du SPCUM offre ses services de formation continue à plusieurs corps policiers du Québec (limitrophes à Montréal) », note le SPCUM dans son document de 1998.
- Que le Comité, en collaboration avec l’IPQ, révise annuellement le contenu de la formation régulière et de la formation continue pour les techniques d’utilisation de la force et pour la prise de décision ce, pour s’assurer que ledit contenu tient compte des plus récents développements en la matière.
Cette recommandation n’a fait l’objet d’aucune remarque dans les documents que nous avons obtenus.
- Qu’en collaboration avec le Comité, l’IPQ :
- Élabore le contenu d’un stage obligatoire pour les futurs policiers lequel devra inclure la composante relations humaines s’appliquant lors de situations conflictuelles;
- Détermine les éléments sur lesquels les stagiaires devront se certifier lors dudit stage.
L’IPQ souligne encore une fois être déjà passé à l’action en ce qui trait à la recommandation:
La mise sur pied du nouveau programme de formation policière de base à l’Institut a devancé la onzième recommandation du présent rapport d’enquête. Ainsi, le nouveau programme bâtit selon l’approche par compétences incarne bien cette notion de « stage obligatoire pour les futurs policiers ». De plus, pour accompagner ce changement, un nouveau « formulaire d’évaluation des compétences » est venu remplacer le « bulletin cumulatif » valide dans l’ancien programme de formation. L’annexe E présente un exemplaire du formulaire d’évaluation qui, à toute fins pratiques, « détermine les éléments sur lesquels les stagiaires devront se certifier lors dudit stage.
- Que le Comité élabore un code clair et précis (ci-après appelé « Code ») qui déterminera les rôles et les positionnements des policiers lors d’interventions policières et qui s’appliquera peu importe le type d’intervention et l’endroit où elle se déroule.
Dans son document de 1998, le SPCUM reçoit plutôt froidement cette idée de « code » :
À cet égard, mentionnons que le tissu culturel et social de Montréal évolue et change très rapidement ce qui nous porte à croire que l’intervention policière exécutée selon un code trop rigide permettrait difficilement de gérer les situations une à une comme le préconise la nouvelle philosophie du SPCUM.
Il est important que les rôles et les positionnements des policiers lors d’interventions policières soient enseignés et pratiqués par l’ensemble des policiers et de plus, que cette formation soit donnée à des groupes naturels de travail afin de favoriser la cohésion au niveau de l’intervention. Certaines règles générales peuvent être dégagées pour les diverses interventions et elles pourraient s’appliquer à la majorité des interventions. Cependant, nous ne croyons pas qu’on puisse uniformiser les rôles et les positionnements pour qu’ils s’appliquent peu importe le type d’intervention et l’endroit où elle se déroule. À titre d’exemple, la fouille d’un édifice et l’interception d’un véhicule à haut risque ne peuvent être traités similairement.
Le SPCUM favorise le respect des règles dans la flexibilité de telle que le jugement précède la forme : immobilisation de véhicules à haut risque à 17h00 sur Ste-Catherine versus un parc industriel à 4h00 am.
Dans son document de 2010, le SPVM fait état des évolutions apportées à son programme de formation continue :
Suite aux événements du collège Dawson, de l’émeute lors de la huitième de finale de la coupe Stanley ainsi que lors des troubles sociaux à Montréal-Nord, la communauté de pratique (CdP) fût mis à contribution afin de former l’ensemble des policiers des PDQ en matière de :
- Déploiement rapide face à un tireur actif;
- Contrôle de foule;
- Principes tactiques en situation de désordre
La priorité des équipes de conception et des équipes de formateurs des dites formations fût d’assurer une cohérence opérationnelle entre les différentes tactiques et manœuvres.
- Depuis plusieurs années le SPVM s’est doté de méthodes permettant d’identifier des rôles et des positionnements dans différentes situations.
- Fouille de bâtiment;
- Tireur actif;
- Interception de véhicules à hauts risque, travail d’équipe avec l’utilisation du AIE;
- Endiguement;
- Entrée dynamique et statique;
- Soutien, intervention policière;
- Contrôle de foule.
- Que les corps policiers du Québec veillent à ce que l’on pratique mensuellement les rôles et les positionnements du Code lors de simulations d’interventions à risques élevés.
« Cette recommandation quant à une pratique mensuelle est irréaliste dans une organisation comme le SPCUM. Ceci nécessiterait le déploiement de nombreuses ressources en formation », écrit le SPCUM dans son document de 1998.
- Que la pratique et l’enseignement des rôles et des positionnements du Code soient inclus dans les programmes de formation régulière et continue de l’IPQ.
Cette recommandation n’a fait l’objet d’aucune remarque dans les documents que nous avons obtenus.
- Que tous les policiers du Québec aient l’obligation de se certifier annuellement pour les techniques d’utilisation de la force, la prise de décision et le contenu du Code.
« Ce dossier fait présentement l’objet de discussions à travers le SPCUM. Des ajustements sont à l’étude afin de tenir compte des recommandations du rapport Corbo relativement à la qualification de tous les policiers. Au SPCUM, nous optons davantage pour une stratégie visant l’entretien des compétences, qui constitue une dynamique plus formative qu’uniquement évaluative qu’est la certification », peut-on lire dans le document de 1998 du SPCUM.
Puis, dans son document de 2010, le SPVM écrit ce qui suit :
TIR :
Présentement, nos policiers ont une qualification annuelle obligatoire et deux pratiques de tir optionnel. De plus, nous incorporons le simulateur dans la qualification annuelle ce qui vient couvrir l’exigence de la formation en prise de décision. Il est important d’ajouter que si un policier éprouve des difficultés au tir, il sera suivi jusqu’à ce que le problème soit réglé.
DÉFENSE :
Il n’y a pas de certification annuelle en emploi de la force pour tous les policiers. Cependant, il existe des requalifications annuelles obligatoires pour certaines unités, dont :
- unité Soutien des centres opérationnels (travail équipe) incluant cour municipale
- Groupe d’intervention (GI)
- MAS (entrée dynamique)
Également, des cours à la carte ont été diffusés de 1998 à 2005.
À partir de 2005 : BIP (Bâton télescopique / Interception de véhicules à hauts risque / Poursuite à pied)
À partir de 2006 : TDGR (Techniques défensives contre les gangs de rue) + TEC
À partir de 2007 : IPP (intervention physique pour policière)
Policiers formés sur BIP en date du 24 février 2009 = 2878
Policiers formés sur TDGR en date du 24 février 2009 = 628
- Que le Comité élabore le contenu de ladite certification et détermine la note minimale requise pour chacun des objets de ladite certification.
Dans son document de 1998, le SPCUM se montre plutôt réservé face à cette recommandation :
L’entretien des compétences (cf. re. 13 et 15) vise à assurer que le policier possède les habilités nécessaires pour rencontrer les exigences de son travail (tir, utilisation de la force, etc.) Dans cette optique, la confiance, l’aisance et la maîtrise des techniques de travail constituent pour nous, des aspects plus importants qu’une note minimale comme telle.
Cependant, dans le document de 2010 du SPVM, ces réserves semblent avoir disparues puisqu’on peut y lire que « la note de passage est de 24/30 au parcours de tir ».
- Qu’en cas d’échec lors de la certification annuelle, le policier ait l’obligation de suivre, à ses frais, un entraînement par simulateur pour les techniques d’utilisation de la force et pour la prise de décision en ses de l’obligation de reprendre l’épreuve de certification.
« Le mécanisme d’entretien des compétences consiste justement à ce que le policier développe les compétences pour arriver à une maîtrise adéquate des techniques de travail. Les discussions entourant la mise en place des mécanismes d’entretien des compétences prévoiront l’instauration de mesures administratives pour les policiers qui ne peuvent ou ne s’impliquent pas dans le développement ou l’entretien des compétences nécessaires à leur travail », lit-on dans le document de 1998 du SPCUM.
Puis, on peut lire ce qui suit dans le document de 2010 du SPVM :
Lors d’un échec à la qualification annuelle, le policier a droit à deux reprises.
Nous avons mis en place un processus d’encadrement dans le cas d’un 1er et 2ème échec. Le tout doit se faire dans un objectif de consolidation de la ressource tout en favorisant la sécurité du policier et de l’importance d’être en mesure de bien contrôler son outil de travail.
Nous pouvons aller jusqu’au retrait de l’arme de service. S’il y a échec les différentes interventions de la part des instructeurs du SEF peuvent être réalisées entre 24 et 48 heures.
- Qu’en cas de second échec lors de l’épreuve de certification, l’on retire l’arme de service de tout policier qui n’a pas rencontré la note minimale requise pour l’utilisation de ladite arme.
« La coroner David émet ici la même recommandation que l’Honorable Juge Malouf en 1994. Nous avons déjà un système en place au Service, pour le retrait de l’arme des nouveaux policiers qui ne se qualifient pas au tir », note le SPCUM dans son document de 1998.
« Si après ces deux reprises le policier est toujours en échec, il est désarmé et une note est envoyée à son commandant, peut-on lire ensuite dans le document de 2010 du SPVM. Le commandant fait parvenir une demande de service au Secteur de l’emploi de la force et le policier est revue dans un délai maximum d’une semaine pour une formation individuelle. Le policier bénéficie du temps nécessaire pour se corriger ».
- Que le ministère de la Sécurité publique et l’IPQ déterminent, en collaboration avec le Comité, le nombre de simulateurs, d’enseignants et de superviseurs ainsi que les endroits nécessaires pour la formation et l’entraînement continus des 13,800 policiers du Québec ainsi que pour leur certification annuelle.
« Le SPCUM est d’accord à l’établissement de certains standards à ce niveau. Nous optons pour que le choix des outils soit de notre ressort. Nous avons déjà pris en charge cette formation (cf. réponse à la recommandation 5) », lit-on dans le document de 1998 du SPCUM.
- Que le Comité élabore une illustration du continuum de force qui puisse être reproduite sur un carton pouvant être glissé dans la poche d’un vêtement.
« L’Institut rappelle qu’il a lui-même, par le biais de son expert en emploi de la force, monsieur Ronald Bélanger, élaboré un continuum de force et recommande donc l’utilisation de ce dernier », écrit l’IPQ.
« D’accord avec cette recommandation, commente le SPCUM dans son document de 1998. Mentionnons qu’au SPCUM, tout policier ayant suivi une formation sur l’utilisation de la force reçoit le tableau conçu par l’IPQ (8 ½ x 11). Il leur est recommandé d’y référer au besoin ».
- Que les corps policiers du Québec s’assurent que leurs membres disposent de ladite illustration et la portent régulièrement sur eux.
Dans son document de 1998, le SPCUM se dit également « d’accord » avec cette recommandation :
Pour s’assurer que les policiers la portent sur eux on pourrait l’inclure dans l’agenda de poche distribué à tous les ans au SPCUM par la Fraternité des policiers ou/et dans le livret d’infractions du CSR des policiers du SPCUM.
Le modèle du continuum sera inclus dans le guide d’accueil et d’intégration de la recrue. Il faut prendre note que tous les superviseurs de la Police de quartier ont reçu une formation de quatre (4) heures sur l’aspect théorique relié au tableau de l’emploi de la force et ont en mains ce même tableau.
La recommandation ne semble cependant pas bénéficier de l’appui du ministère de la Sécurité publique, dont le sous-ministre Florent Gagné écrit ce qui suit dans sa lettre datée du 13 février 1998 :
À cet égard, l’obligation pour les policiers de porter sur eux une illustration en format de poche du continuum de force, tel que recommandé par la coroner, nous apparaît inutile et peu pratique considérant le très court laps de temps dans lequel le policier doit décider du niveau de force à utiliser.
Par ailleurs, dans le document de 2010, le SPVM semble avoir renoncé à l’idée de doter ses policiers d’une illustration de format de poche :
Les agents ne reçoivent pas de petit tableau format de poche. Il n’y a pas de tableau non plus dans l’agenda de l’ABR. Cependant, chaque PDQ a un tableau grand format au bureau de rédaction des rapports.
- Que les corps policiers du Québec exigent que leurs policiers posent l’index sur la détente seulement lorsqu’ils doivent tirer et qu’en tout autre temps où l’arme doit être dégainée, les policiers posent l’index sur le pontet.
L’IPQ a exprimé son approbation envers la recommandation, avec un petit bémol toutefois :
L’Institut partage et entérine le point de vue soulevé mais considère que la formulation utilisée peut engendrer de la confusion lors de son interprétation et de son application concrète dans les programmes de formation. En effet, l’Institut considère que rien n’oblige à tirer (réf. : « posent l’index sur la détente seulement lorsqu’ils doivent tirer ») et que ce n’est pas parce que ce dernier a mis le doigt sur la détente qu’il devrait nécessairement tirer.
L’Institut recommande qu’une légère modification soit apportée à la vingt-deuxième recommandation du Coroner de façon à ce qu’on puisse dire : « que les corps policiers du Québec exigent que leurs policiers posent l’index sur la détente seulement lorsqu’ils estiment, pour des motifs raisonnables, qu’il est nécessaire de tirer pour se protéger eux-mêmes, ou toute autre personne, contre la mort ou des lésions corporelles graves, et qu’en tout autre temps où l’arme doit être dégainée, les policiers posent l’index sur le pontet ».
Quant au SPCUM, il écrit ce qui suit dans son document de 1998 :
Recommandation sans cesse renforcée lors des simulations du cours « Survivre dans la rue ».
Le SPCUM entraîne ses membres à poser l’index sur le pontet de l’arme depuis plusieurs années. À chaque fois qu’un instructeur rencontre des tireurs, ce message revient. Seul un entraînement régulier permet de garder dans la mémoire motrice cette notion.
Puis, dans son document de 2010, le SPVM apporte les précisions suivantes :
Le SPVM entraîne ses membres à poser l’index sur le pontet de l’arme depuis plusieurs années. Les moniteurs ont constaté un changement majeur et exemplaire, cette notion est maintenant acquise. Le policier peut poser son doigt sur la gâchette à compter du moment où il a décidé de tirer, ce qui lui offre le choix de changer d’idée en fonction de l’évolution de la situation.
Advenant un coup de feu accidentel occasionné par un positionnement de l’index sur la détente, le commandant du policier fait une demande de service au Secteur de l’emploi de la force et le policier est rencontré par un moniteur pour s’assurer que toutes les notions sont bien comprises et appliqués.
Par ailleurs, dans sa lettre datée du 7 janvier 1998, le directeur de la SQ, Michel Coulombe, écrit ce qui suit :
Outre la qualification annuelle, nous procédons à la mise à jour régulière de cette formation qui inclut déjà certaines mesures mises de l’avant par le rapport (22-24) et nous comptons y intégrer les autres mesures mises de l’avant par le rapport (24-25).
Le suivi de vos recommandations sera assuré par notre Service du développement et de la formation.
- Que les corps policiers du Québec fassent en sorte que toute décharge accidentelle d’une arme occasionnée par un positionnement de l’index sur la détente alors que le policier n’avait pas l’intention de tirer, soit suivie pour ledit policier d’un entraînement obligatoire sur les techniques d’utilisation de la force et sur la prise de décision.
« Tout policier qui est auteur d’une décharge accidentelle doit être rencontré pour une période de perfectionnement au tir. L’unité dont le policier fait partie doit aviser la Section formation de l’événement en envoyant une copie du rapport de coup de feu », lit-on dans le document de 1998 du SPCUM.
Le document de 2010 du SPVM rapporte d’ailleurs que ces mesures étaient toujours en place, douze ans plus tard :
Dans le cas d’un coup de feu involontaire, le policier est rencontré dans le cadre d’une activité de perfectionnement. Le tout doit être signifié par l’unité à la division de la formation, et ce, en envoyant une copie du rapport emploi de la force.
- Que les corps policiers du Québec révisent les normes applicables aux pratiques de tir des policiers patrouilleurs pour :
- Qu’il y ait majoritairement du tir instinctif d’une main;
- Faire en sorte que l’on pose l’index sur le pontet en dégainant;
- Faire en sorte que l’ordre de tirer soit donné seulement après qu’il y ait eu dégainement de l’arme.
Cette recommandation s’est heurté au scepticisme du SPCUM, comme en font foi les commentaires formulés dans le document de 1998 :
Nous ne croyons pas qu’il devrait y avoir majoritairement du tir instinctif à une main. Plusieurs policiers et policières manquent de force dans les mains et les avant-bras. La qualité de leur tir serait sérieusement mise en doute. Nous avons déjà dans notre parcours une série de 6 balles tirées à une main avec lampe de poche.
L’index est censé être sur le pontet en tout temps sauf au moment de tirer. Après le tir, le doigt retourne sur le pontet pour réévaluer la situation (scanning). Seul un entraînement soutenu et supervisé adéquatement permet d’atteindre ce résultat.
La majeure partie des fusillades durent en moyenne 3 secondes et surprennent le policier alors qu’il a l’arme à l’étui. Il ne serait pas pratique d’entraîner le policier à tirer toujours un parcours qu’il a l’arme dans la main. Par contre, lors de simulation ou de déplacement pour aller prendre une barricade ou pour faire des manipulations d’arme, le policier est encouragé et corrigé à travailler avec l’index sur le pontet lorsqu’il le manipule.
- Qu’à la grandeur du Québec, on fasse en sorte que le port de la veste pare-balles soit obligatoire lors des pratiques de tir et lorsque le policier est en devoir.
Dans son document de 2010, le SPCUM écrit ce qui suit :
Actuellement, les policiers n’ont pas l’obligation de porter leur veste pare-balles « extérieure » dans les salles de tir. La procédure (749-2) spécifie que le policier en devoir « doit porter obligatoirement la veste pare-balles lorsqu’il est à l’extérieur des édifices occupés par le Service ». Les salles de tir étant des édifices occupés par le service, techniquement, les policiers ne seraient pas obligés de porter leur veste. De plus, les S/D, les Enquêteurs MAS, les LT, les CMDT et autres personnes de la direction n’ont pas, pour la plupart, de veste. Finalement, en été, la température peut parfois atteindre les 40 degrés dans les salles de tir (non climatisées) alors, exiger le port de la veste pare-balles serait pour le moins, très inconfortable.
- Que le Comité élabore un formulaire « rapport/rétroaction » applicable lorsqu’il y a contrôle physique à main nue, à l’aide d’une arme intermédiaire ou à l’aide de l’arme à feu que celle-ci soit dégainée ou pointée.
Cette recommandation ne semble pas avoir été vue d’un bon œil par le SPCUM, selon ce qu’on peut lire dans le document de 1998 :
Cela nous apparaît être une mesure administrative pour solutionner un problème de gestion. Un guide rappelant les éléments essentiels à préciser dans le rapport d’événement lorsqu’il y a utilisation est en élaboration à la Section formation.
Toutefois, à la lecture de son document de 2010, force est de constater que la recommandation semble avoir été mise en œuvre au SPVM :
Depuis 2008, le Service a élaboré un formulaire en Emploi de la force.
Le rapport «Usage de la Force» F. 502-04 doit être complété par les policiers dans les cas suivants :
- Utilisation de l’O.C.
- Lors de l’utilisation des techniques puissantes à mains nues;
- Lors de l’utilisation d’armes intermédiaires;
- Lors de l’utilisation de l’arme à feu.
Dès qu’il y a un suspect ou un policier blessé lors d’une intervention un rapport doit être rédigé.
- Que les corps policiers du Québec exigent que ledit formulaire soit rempli par tout policier ayant exercé l’un des contrôles mentionnés en 26.
Dans son document de 1998, le SPCUM renvoie le lecteur aux commentaires qu’il a formulé relativement à la recommandation précédente.
Dans sa lettre datée du 13 février 1998, le sous-ministre du ministère de la sécurité publique, Florent Gagné, écrit ce qui suit :
Le « Guide de pratiques policières », diffusé à l’ensemble des corps de police, indique aux policiers les normes qu’il convient de respecter et les modes d’intervention appropriés. Il contient une pratique relative à l’utilisation de la force par les policiers, laquelle inclut deux graphiques conçus par l’Institut de police du Québec, reproduisant les différents niveaux, types et degrés de force ainsi que la mécanique d’une intervention physique.
Cette pratique stipule en outre que le policier doit compléter un rapport lorsque l’usage de la force a occasionné une blessure nécessitant une intervention médicale, ce qui nous semble plus réaliste que d’exiger la remise d’un tel rapport à chaque fois qu’il y a contrôle physique à mains nues, comme le suggère la coroner.
- Que les corps policiers du Québec exigent une rétroaction systématique et rigoureuse supervisée par une personne maîtrisant les techniques d’utilisation de la force et la prise de décision à chaque fois qu’il y a utilisation de l’arme de service c’est-à-dire à chaque fois qu’il y a un coup de feu.
Dans son document de 1998, le SPCUM se dit « d’accord » avec cette recommandation, tout en offrant les remarques suivantes :
Recommandation présente au dossier « Création d’un module de contrôle verbal, physique et de techniques sécuritaires d’intervention, point 1.5 :
« les instructeurs qui ont effectué la formation sur la prise par l’encolure, ont reçu les confidences de plusieurs policiers. Ces derniers manifestaient encore des séquelles psychologiques suite à des altercations physiques sérieuses avec des suspects. Nous constatons donc des besoins en matière de suivi post-traumatique auprès des policiers. Nous effectuons déjà ces suivis sur une base volontaire, dans les cas d’utilisation de l’arme à feu. Il y aurait lieu d’élargir ces suivis aux événements qui ont nécessité des altercations physiques majeures. Cela permettrait au policier de reprendre confiance en ses moyens et mieux gérer son stress ».
De plus, la formation des superviseurs habilite ceux-ci à faire des rétroactions. Les commandants ont reçu également une formation en rétroaction opérationnelle et le Programme d’aide aux policiers et policières est également impliqué lors de tels événements.
De plus, dans son document de 2010, le SPVM fait part de mesures additionnelles :
Tel que cité dans la réponse du SPVM, les commandants des unités effectuent de façon systématique les rétroactions lors d’événements majeurs.
Au service, nous avons introduit dans le cadre de la formation des superviseurs nouveaux promus le volet SIPAC, et pour les commandants le volet FICO, des aspects de rétroaction opérationnelle.
De plus, en collaboration avec le programme d’aide aux employés, le SEF de la division de la formation offre des interventions en post-incident. En 2010, un comité a été composé afin d’élaborer un plan de support en lien avec le programme en développement GSRO (Groupe de support en rétroaction opérationnelle).
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La documentation obtenue suggère que près de la moitié des recommandations formulées par la coroner David pourraient n’avoir jamais vu le jour.
C’est à tout le moins ce qui ressort de la lettre datée du 8 mars 2002 du directeur de la direction des affaires policières et de la prévention de la criminalité du ministère de la Sécurité publique, Daniel St-Onge, dans laquelle ce dernier évoque « l’impossibilité d’appliquer les recommandations 4, 5, 8, 9, 13, 15, 16, 20, 24, 25 et 26 », et ce, pour les motifs suivants :
Il était, à toutes fins utiles, impossible d’y donner suite dans la perspective de l’existence de plus de 123 corps de police municipaux au 30 novembre 2000, dont plus de 40% comptaient moins de 20 policiers. Ces recommandations portent principalement sur la formation continue, l’utilisation de la force, l’entraînement par simulateur et la certification en matière de tir.
Dans le contexte actuel et compte tenu de la mise en œuvre de la réforme de l’organisation policière, il nous apparaît maintenant nécessaire de vous soumettre les suites à accorder principalement en regard des 11 recommandations qui n’ont pas eu de suite jusqu’à présent. Celles-ci pourraient amener l’élaboration de nouvelles pratiques policières ou faire l’objet, le cas échéant, de modifications à toute pratique existante.
En conclusion, le suivi des recommandations formulées par la coroner Anne-Marie David dans son rapport d’enquête sur les causes et circonstances du décès de Martin Suazo fait ressortir les éléments suivants :
- la réceptivité du SPCUM varie d’une recommandation à l’autre, quoique dans deux cas le corps policier semble avoir changé son fusil d’épaule par la suite;
- l’Institut de police du Québec ne se montre guère enchanté de voir son programme de formation faire l’objet de critiques dans un rapport public;
- les recommandations de la coroner David ont souffert d’une perte de crédibilité du fait qu’elles ne tenaient pas toujours compte de certains développements au niveau des programmes de formation policière, de même que de l’évolution des structures et procédures déjà en place.