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Week-end meurtrier pour le SPVM

23.09.2025

Ce texte a d’abord été publié sur Pivot, le 31 mars 2025 : https://pivot.quebec/2025/03/31/week-end-meurtrier-pour-le-spvm/

 

Week-end meurtrier pour le SPVM

 
Deux personnes ont été tuées par la police de Montréal en moins de douze heures.
 
Par Alexandre Popovic

Deux morts violentes aux mains du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en l’espace d’à peine onze heures, c’est beaucoup. Beaucoup trop.

Le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) se penche maintenant sur les deux événements. L’organisme est en effet tenu d’enquêter sur les décès aux mains de la police.

Fidèle à son habitude, le BEI s’est montré avare de détails sur les circonstances des deux décès. Tant les noms des personnes décédées que ceux des flics impliqué·es n’ont pas été divulgués.

Ouvrir le feu dans un immeuble à logements

Le premier événement est survenu samedi soir, près d’où j’habite, dans le quartier Centre-Sud. Un·e ou plusieurs flics ont fait feu sur une personne qui, selon le BEI, était en possession d’une arme à feu dans un immeuble à logements. La personne est décédée après avoir été atteinte par les balles du SPVM.

Bien sûr, la présence de l’arme à feu viendra justifier aux yeux de plusieurs le recours à la force mortelle. Je crois néanmoins que les tirs policiers méritent d’être remis en question.

Car l’intervention policière du 29 mars m’en rappelle une autre, soit celle qui a couté la vie à René Gallant, 45 ans, dans un appartement de la rue Papineau, le 31 mai 2015. Voyant l’homme tenir un couteau de cuisine, les constables Daniel Touchette et Manon Chassé ont fait feu cinq fois.

Là-dessus, on compte deux balles perdues : l’une s’est logée dans le mur de gypse, pour se retrouver dans une chambre à coucher; l’autre a terminé sa course dans une chaise de la cuisine. Or, une femme et ses deux enfants se trouvaient dans l’appartement au moment des tirs. Le bilan funeste aurait pu être bien pire.

Quand les flics font feu dans un bloc à appartements, ils créent ainsi un nouveau danger.

Je pense aussi à l’intervention policière qui a causé la mort de Pierre Coriolan, 58 ans, survenue là aussi dans un immeuble à logements, sur l’avenue Robillard cette fois-ci, le 27 juin 2017.

Encore là, une balle perdue du SPVM a échoué dans le gyproc, pour en ressortir dans ce cas-ci dans l’appartement voisin de celui du défunt, comme le révélait un expert en balistique à l’enquête publique du coroner. Les flics et leurs apologistes diront ce qu’ils voudront, il reste que personne ne contrôle la trajectoire de la balle une fois qu’elle est sortie du canon.

Quand les flics font feu dans un bloc à appartements pour résoudre une situation à risque, ils créent ainsi un nouveau danger. Est-ce vraiment mieux?

Que cachent les euphémismes du BEI?

Hier matin, une autre intervention du SPVM s’est terminée en tragédie. Cette fois-ci, les flics répondaient à un appel concernant une « personne en crise » se trouvant derrière une résidence au coin de la 47e rue et du boulevard Pie-IX.

Selon le communiqué typiquement laconique du BEI, les flics « auraient maîtrisé la personne » après « une altercation physique ». Cette personne a ensuite « subi un malaise et une perte de conscience ». Le décès a été constaté au centre hospitalier.

C’est tout. Aucun détail sur les gestes posés par les flics durant l’intervention. La personne a simplement perdu connaissance après avoir été « maîtrisée », un euphémisme qui cache souvent de la brutalité policière.

Les médias mainstream continuent à faire du copier-coller avec les communiqués du BEI.

Voilà qui ne va pas sans rappeler le choix de mots utilisés dans le communiqué du BEI sur l’intervention du SPVM qui a couté la vie à Koray Kevin Celik, 28 ans, à L’Île-Bizard, le 6 mars 2017.

Là aussi, le BEI parlait d’une personne « en crise » que les flics ont voulu « maîtriser » avant de constater une perte de conscience, puis un arrêt cardio-respiratoire. À aucun endroit il n’est fait mention de la force utilisée par le SPVM. Comme si la mort subite d’un jeune homme dans la force de l’âge allait de soi.

Rappelons que la famille Celik a poursuivi au civil le BEI pour ce communiqué biaisé en faveur du SPVM, obtenant ainsi une condamnation prononcée par la Cour du Québec, par la suite confirmée unanimement en appel.

Malgré ces deux jugements accablants, les médias mainstream continuent à faire du copier-coller avec les communiqués du BEI. C’est vrai que c’est moins de job. Contrairement à la recherche de la vérité.

Toujours moyen de ne pas tuer

Le nombre de personnes tuées par la police au Québec depuis la mise en opération du BEI, le 27 juin 2016, vient donc d’atteindre le triste nombre de soixante. Je le sais, car je documente ce macabre phénomène depuis plusieurs années.

Je m’oppose également farouchement à l’idée, aussi facile que fataliste, voulant que les décès aux mains de la police soient aussi inévitables que la neige durant l’hiver québécois.

Prenez le service de police de la Première nation Nishnawbe Aski, dans le nord de l’Ontario. En 26 ans, ce corps policier n’a jamais enlevé la vie à quiconque. Aucun de ses flics n’est mort en devoir non plus.

On parle ici du plus important corps de police autochtone au Canada et du deuxième plus gros du genre en Amérique du Nord, dont les quelques 200 membres patrouillent un territoire d’une superficie comparable à la Thaïlande ou l’Espagne.

Je m’oppose farouchement à l’idée voulant que les décès aux mains de la police soient aussi inévitables que la neige durant l’hiver québécois.

Le SPVM pourrait aussi apprendre d’interventions non armées menées avec succès par du personnel civil œuvrant dans le milieu de la santé.

On peut penser à Tanya Fader, directrice de l’organisme PHS Community Society de Vancouver, qui est intervenue des centaines de fois avec ses collègues auprès de personnes tenant une arme alors qu’elles étaient en crise, et ce, sans que personne n’y perde la vie.

Ou encore à la docteure Brittany Poynter, cheffe clinique au Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto, tout aussi qualifiée en matière de désescalade.

« La première chose à garder à l’esprit est que lorsqu’une personne vit une crise de santé mentale ou émotionnelle, si elle se comporte de manière agressive ou menaçante, elle a probablement peur. Leurs actions sont motivées par la peur plutôt que par le désir de nuire à quiconque », explique-t-elle.

Chaque nouvelle vie perdue aux mains de la police représente une nouvelle occasion manquée d’appliquer des méthodes non violentes de désescalade qui ont pourtant fait leurs preuves.

Justice pour toutes les victimes.